Possible démission du Premier ministre mauricien : des turbulences politiques en vue

Le Premier ministre, Sir Anerood Jugnauth, 17 février 2009

L'île Maurice, îlot de stabilité à la démocratie solidement ancrée, se dirige vers une zone de turbulences politiques, le Premier ministre âgé de 86 ans ayant évoqué son possible départ avant la fin de son mandat, qui verrait son fils prendre la relève.

Si le scénario d'une démission du Premier ministre, Sir Anerood Jugnauth, devait se confirmer - ce qui fait désormais peu de doute pour les médias locaux - l'archipel de 1,3 million d'habitants dans l'océan Indien serait confronté à une première dans son histoire politique depuis son indépendance de la Grande-Bretagne en 1968.

Et le débat qui désormais anime la classe politique, et plus largement les Mauriciens férus de politique, est simple: si le fils de Sir Jugnauth, Pravind Jugnauth, est bien le chef du principal parti de la coalition au pouvoir, et par conséquent celui appelé à devenir Premier ministre au regard de la constitution, qu'en est-il de sa légitimité?

La question donne lieu à des échanges passionnés sur les antennes de radio locales et sur les murs de la capitale, des affiches placardées par des partis d'opposition témoignent de l'actuelle poussée de fièvre politique.

"Poste Premier ministre pas éne héritage familial sa" ("Le poste de Premier ministre ne peut être donné en héritage familial"), dénonce sur fond rouge le Parti travailliste.

- 'Pays embalao' -

Pour le Mouvement Militant Mauricien (MMM) et son slogan "Pays embalao", le pays est "sens dessus dessous".

C'est le 12 septembre, lors d'une conférence de presse organisée avant sont départ pour l'Assemblée générale des Nations unies à New York, que Sir Jugnauth, plusieurs fois Premier ministre et président de Maurice, a indiqué qu'il pourrait quitter son poste avant la fin de son mandat prévu en 2019.

"Je ne serai pas là en permanence", avait-il déclaré en réponse à une question sur les rumeurs de son départ anticipé. Pressé de questions sur la date de ce possible retrait, le Premier ministre avait glissé: "vous l'apprendrez très prochainement".

Mais il s'était montré plus précis sur la suite des événements: "la transition se fera comme dans tous les pays démocratiques". "Il faut que vous soyez le leader d'un parti qui détient la majorité à l'Assemblée nationale comme c'est le cas dans la tradition +westminstérienne+ en Angleterre".

Et depuis, tous les regards sont tournés depuis vers Pravind Jugnauth, 54 ans, ministre des Finances et chef de file du parti Mouvement Socialiste Mauricien (MSM), qui détient le plus grand nombre de députés au sein de la coalition gouvernementale.

La démocratie parlementaire mauricienne est fondée sur le système en vigueur en Grande Bretagne, qui a colonisé Maurice entre 1810 et 1968, lorsque l'île a accédé à l'indépendance.

Les deux autres leaders de la coalition au pouvoir, Xavier-Luc Duval, président du Parti Mauricien social Démocrate et Ivan Collendavelloo, à la tête du Muvman Liberater (Mouvement libérateur) ont indiqué qu'ils soutiendraient la nomination de Pravind Jugnauth, avocat de formation comme son père.

- 'Maurice n'est pas une monarchie' -

Aux termes de la Constitution, la présidente Amenah Gurib Fakim doit, après consultations, nommer le député susceptible de réunir une majorité parlementaire comme Premier ministre. Dans l'éventualité où ce dernier ne parvenait pas à obtenir la majorité au Parlement, la présidente devrait dissoudre l'Assemblée nationale et convoquer de nouvelles élections générales.

Mais pour le leader de l'opposition et ancien Premier ministre de Maurice Paul Bérenger, des élections anticipées sont indépassables.

L'éventuelle nomination de Pravind Jugnauth serait conforme à la constitution, estime le président du MMM. Toutefois, ajoute M. Bérenger, le nouveau Premier ministre devrait "appeler les élections générales dans un délai raisonnable".

"Maurice n'est ni une monarchie, ni une dynastie. Il n'est pas bon de donner l'impression que le Premier ministre doit être succédé par son fils à la tête du pays. C'est la raison pour laquelle nous réclamons des élections générales afin de permettre à la population de faire son choix librement", a récemment déclaré M. Bérenger.

Le sentiment semble être partagé par de nombreux Mauriciens qui s'en ouvrent sur les radios locales et dont certains indiquent qu'ils ont voté en 2014 pour porter le père au pouvoir, pas forcément son fils.

Avec AFP