RDC: Les conseils de l'ancien Premier ministre Sylvestre Ilunga à Sama Lukonde

Le nouveau Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde (à gauche) avec le sortant Sylvestre Ilunga Ilunkamba à Kinshasa, en RDC, le 17 février 2021 (Twitter / Bureau du Premier ministre de la RDC)

"Le Premier ministre est celui qui encaisse tous les coups"

Le Premier ministre sortant de la RDC, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, a prodigué quelques conseils au moment de passer les rênes de la Primature à son successeur, Jean-Michel Sama Lukonde.

"C’est une fonction très enviée. Beaucoup de Congolais voudraient être Premier ministre, malheureusement c'est une fonction unique. Il n'y a qu'une seule personne qui l'occupe. Je vous souhaite bonne chance. Nous allons vous accompagner dans ce travail dont le peuple congolais est le premier bénéficiaire", a-t-il déclaré.

La cérémonie, connue dans le langage de Kinshasa sous le nom de "remise et reprise", a été très cordiale. Pour marquer le caractère solennel de l'occasion, elle s'est déroulée à l'hôtel du gouvernement de Kinshasa en présence du secrétaire général du gouvernement, Albert Ekumbaki Ombata.

Professeur d'universités, Ilunga Ilunkamba, 74 ans, a occupé ce poste du 7 septembre 2019 au 28 janvier 2021, avant la motion de censure le 22 janvier 2021 ayant conduit à sa démission.

"Le Premier ministre est le seul qui doit encaisser tout ce qui ne marche pas dans la république", a-t-il expliqué, comme rapporte sur Twitter, Prince Amri, Porte-parole du Parti Travailliste dans le Haut-Katanga.

Le successeur d'Ilunga Ilunkamba, Sama Lukonde, est un gestionnaire avisé. A 43 ans, il était déjà PDG du complexe minier de la Gécamines. Il se hisse au sommet de l'appareil gouvernemental à deux ans à peine avant que le président Félix Tshisekedi, au pouvoir depuis 2019, ne se présente à nouveau devant les électeurs.

“La fonction du Premier ministre [a] de grandes responsabilités […] surtout en cette période particulière de l'histoire de notre pays qui a changé le cap pour atteindre la vision prônée par le Chef de l'Etat”, a affirmé le nouveau chef de gouvernement lors de la passation de service le 27 avril.​

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"Vous devez également savoir que la fonction du Premier ministre est dérisoire, si ça marche, le bénéfice c'est pour quelqu'un d'autre. Si ça ne marche pas, c'est votre faute, parce que, le Premier Ministre est celui qui encaisse tous les coups", a par ailleurs indiqué Sylvestre Ilunga Ilunkamba à Jean-Michel Sama, rapporte la presse congolaise.

Acceptant humblement les conseils de son prédécesseur, Jean-Michel Sama Lukonde a dit vouloir “se mettre au travail très vite avec responsabilité […] pour atteindre la vision prônée par le chef de l'Etat”.

Peu avant la cérémonie officielle, les deux hommes s’étaient entretenus en tête-à-tête. Puis M. Ilunga Ilunkamba avait accompagné M. Sama Lukonde au jardin des Premiers ministres pour le vernissage du buste du Premier ministre entrant et pour planter l'arbre devant symboliser son entrée en fonction.

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Je souhaite du courage à mon successeur. Heureux et soulagé d'avoir procédé ce mardi 27 avril 2021, à la remise & reprise avec le nouveau premier ministre Lukonde Sama. J’ai fois que son intelligence, sa jeunesse & son expérience viendront palier à l'incompétence d’un président qui ne peut plus se cacher derrière des prétextes”, a tweeté Ilunga Ilunkamba.

M. Sama Lukonde avait été chargé de former un nouveau gouvernement à partir du 15 février 2021 par le chef de l’Etat, après la rupture de la coalition du président Tshisekedi avec son prédécesseur Joseph Kabila.

Le nouveau gouvernement a été investi le 26 avril par 410 voix sur 412 présents et 500 députés au total. Son programme a été très largement adopté lundi par l'Assemblée nationale.

Ses priorités sont la sécurité, la santé, l’enseignement, la justice, l’agriculture, la pêche et l’élevage, l’économie, le processus électoral, l’infrastructure, et le numérique. Le programme du gouvernement de Sama Lukonde comprend 343 actions chiffrées à 36 milliards de dollars sur 3 ans.

Diversifier l’économie

Le gouvernement de Sama Lukonde veut diversifier l’économie du deuxième pays africain le plus vaste pour construire un Etat véritablement prospère au cœur de l’Afrique en s’investissant dans l’amélioration de la gouvernance des ressources naturelles, des entreprises du portefeuille et des finances publiques, en lançant “une série de réformes à impact immédiat et susceptible de générer des ressources additionnelles et d’améliorer la performance des régies financières dans la mobilisation des recettes publiques” rapporte la radio onusienne Okapi, basée à Kinshasa.

L’une des priorités sera d’assainir les finances publiques, notamment par la mobilisation accrue des recettes budgétaires et le respect strict de la loi des finances, pour une meilleure qualité de la dépense publique.

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Soutien des partenaires internationaux

Dix-sept pays ainsi que l'Union européenne, soit les grands bailleurs de fonds de la République démocratique du Congo, ont salué l'investiture d'un nouveau gouvernement, en demandant au président Félix Tshisekedi de saisir cette "opportunité historique" pour répondre aux attentes de son peuple.

En tant que partenaires internationaux, nous assurons le nouveau gouvernement de notre soutien pour la mise en œuvre des réformes reflétant la volonté du peuple congolais et l’amélioration de la situation socio-économique à laquelle il aspire”, ont déclaré l’Allemagne, la Belgique, le Canada, la Corée du Sud, l’Espagne, les États-Unis, la France, la Grèce, l’Italie, le Japon, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse, la Tchéquie et l’Union européenne, rapporte Financial Afrik.

La RDC dépend en grande partie de l'aide bilatérale et multilatérale pour compenser les faiblesses de son budget.

2023 en toile de fond

Les Etats-Unis, la France, le Royaume Uni, la Belgique, le Japon, et la Suède notamment rappellent au président congolais ses engagements: "renforcer la démocratie", "garantir l'Etat de droit", améliorer le "climat des affaires”, notamment la lutte contre la corruption et "assurer la sécurité" à l'Est.

Pour respecter l'échéance constitutionnelle de 2023 et consolider les acquis de l’alternance de janvier 2019, les signataires jugent "essentiel de préparer des élections libres, inclusives, transparentes et impartiales”, assurant le nouveau gouvernement de leur "soutien pour la mise en oeuvre des réformes reflétant la volonté du peuple congolais", ajoute l’AFP.

Ils estiment qu’il est temps que l’ensemble des pouvoirs et des institutions s’engagent, dès à présent, dans la préparation juridique, financière et technique d’élections libres, inclusives, transparentes et impartiales, notamment par les réformes attendues de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et de la loi électorale.

Premier défi en perspective: le recensement de la population.