Des actes de violence, souvent meurtriers, se multiplient entre les Turkana et leurs voisins Pokot, deux groupes ethniques vivant dans le comté nord (le Turkana), depuis la découverte du pétrole dans la région en 2012.
L’or noir est venu s’ajouter à la lutte pour la terre et l’eau qui déchire les deux communautés depuis des siècles. La correspondante de la VOA Jessica Hatcher s’est rendue dans le sud de ce comté kenyan.
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Aux premières lueurs du jour, une réunion quotidienne : celle des éleveurs de la communauté Turkana. Unique thème à l’ordre du jour : la sécurité.
« Le conflit avec les Pokot a atteint son apogée. Par le passé, il n’y avait que des vols de bétail, mais maintenant ils attaquent les villages et forcent les gens à partir », prévient le berger Losinyono Kotol est le chef des opérations.
L’enjeu du pétrole ne favorise pas les pourparlers de paix entre les deux tribus, selon le prêtre kenyan Nicolas Kimejov.
« Des dirigeants politiques ont dit aux Pokot que s’ils se battent pour eux, ils vont faire partir les Turkana jusqu'à Lokichar. Parce que leur objectif est clair, c’est de prendre possession des puits de pétrole, d’en faire leur propriété pour en avoir le monopole afin de se faire de l’argent », soutient le père Kimejov.
Des villages entiers ont été réduits en cendre et des civils non armés tués.
A l’image de Lokwar, un village prospère, doté d’une école primaire mais complètement détruit l’année dernière. Les habitants ont été interdits d’y revenir, d’après Paul Idoket Ekitela, un enseignant.
« Ce que vous voyez, ce sont les villageois qu’on a enterrés. Ici, une personne qui a été tuée, qui n’était pourtant pas venue ici pour se battre mais que pour travailler sa ferme », explique l’enseignant.
La destruction de villages est un fait nouveau dans le vieux conflit tribal entre les Pokot et les Turkana. Ils ont recours aux incendies pour créer la peur et faire fuir les gens.
Prise dans cette guerre ethnique, la compagnie d'exploration de pétrole anglo-irlandaise, Tullow Oil, affirme avoir identifié quelque 600 millions de barils de pétrole dans le comté de Turkana.
Mais le chiffre d’un milliard de barils au total est envisageable. Toutefois, en raison du conflit, les firmes pétrolières ont des difficultés à opérer, d’après Andy Demetriou de Tullow Oil.
«Les gens vivent de leurs terres, comme ils le font depuis des centaines d'années, dans la plupart des cas. D’importantes sociétés débarquent ici avec leur technologie et tentent de travailler avec les communautés pastorales. Il y aura toujours des défis à relever. Il y aura toujours des points de désaccord », déclare Demetriou.
Malgré ses richesses naturelles, Turkana est la région la plus pauvre au Kenya. Des humanitaires croient que le pétrole est une occasion en or pour développer le comté, mais craignent que le gouvernement de Nairobi écartent les communautés locales de son exploitation – une opinion partagée par le militant Lopeyok Ricardo Siméon.
«Le gouvernement prétend que tout ce qui est sous terre lui appartient. Ce qui est vrai. Mais nous avons aussi besoin d'être consultés. Nous sommes les propriétaires de ces terres. Nous voulons aussi être impliqués dans ce processus », se plaint pour sa part Siméon.
Alors que la valeur de cette terre s’accroît, l’envie de la contrôler prend de l’ampleur également. D’aucuns sont d’avis que si le conflit ethnique n’est pas résolu, l’or noir de Turkana s’avèrerait une malédiction plutôt qu'une bénédiction.