Le Conseil de sécurité de l'ONU avait donné son feu vert en octobre à cette mission, mais son déploiement était en attente depuis des mois en raison de retards logistiques et de recours judiciaires en cours au Kenya.
Lire aussi : Un mort en marge d'une manifestation anti-taxes au KenyaLe président Ruto, qui avait accepté que son pays prenne la tête de cette mission après des mois de tractations, s'est rendu lundi dans les cantonnements des forces d'élite de la police pour une cérémonie d'au revoir à huis clos. "Il s'agissait d'une cérémonie officielle. 400 officiers sont désormais prêts à partir demain pour Haïti", a déclaré à l'AFP un responsable du ministère de l'Intérieur, qui a requis l'anonymat.
L'information a été confirmée par un membre de la présidence, qui a indiqué que le chef de l'Etat leur avait symboliquement remis un drapeau kényan. Au total, le Kenya doit envoyer un millier d'hommes en Haïti. D'autres pays doivent également contribuer à cette force : Bénin, Bahamas, Bangladesh, Barbade, Tchad...
Le contingent kényan sera composé de policiers d'élite, notamment de l'escadron antiterroriste Recce Squad qui était intervenu lors des attaques menées par les islamistes radicaux somaliens shebab sur le sol kényan (contre l'université de Garissa en 2015 et les centres commerciaux Westgate et Dusit en 2013 et 2019).
Elle inclura également des membres de l'Unité de déploiement rapide (RDU), de l'Unité anti-vol de bétail (Anti-stock theft unit) et de l'Unité de patrouille aux frontières (BPU), engagées notamment dans la lutte contre les shebab dans les régions frontalières avec la Somalie.
Vives critiques de l'opposition
Cette Mission multinationale d'appui à la sécurité (MMAS), prévue pour une durée initiale d'un an (jusqu'en octobre 2024), devra soutenir la police haïtienne dans ses opérations contre les gangs et la criminalité, assurer la sécurité d'infrastructures (aéroport, ports, écoles, hôpitaux...) et permettre aux civils "d'accéder sans entrave et en toute sécurité à l'aide humanitaire", selon la résolution votée par le Conseil de sécurité de l'ONU le 2 octobre.
Au Kenya, l'opération suscite de vives critiques. Le parti d'opposition "Alliance troisième voie" ("Thirdway alliance") a déposé mi-mai un nouveau recours pour l'empêcher, accusant le gouvernement d'"outrage au tribunal" et de poursuivre une mission jugée "inconstitutionnelle, illégale et invalide" par un jugement du 26 janvier.
Un des dirigeants du parti, Ekuru Aukot, a déclaré lundi à l'AFP qu'il allait déposer "une injonction contre le déploiement". "William Ruto n'est qu'un esclave de l'Amérique ou des mondialistes et des impérialistes", a-t-il affirmé : "Cela n'a aucun sens qu'il veuille envoyer nos policiers en Haïti alors que nous ne pouvons même pas remédier à la situation d'insécurité à Baringo, Turkana, Wajir, dans le nord du Kenya, ni même à Nairobi".
Face aux critiques, M. Ruto – qui s'attache à imposer le Kenya sur la scène internationale – a défendu une "mission pour l'humanité", dans un pays ravagé selon lui par le colonialisme.
Haïti pâtit depuis des dizaines d'années d'une instabilité politique chronique. Mais depuis quelques mois, le pays doit faire face à une résurgence de la violence des gangs, qui contrôlent 80% de la capitale Port-au-Prince. Le pays connaît aussi une grave crise humanitaire, avec des pénuries de nourriture, de médicaments et d'autres produits de base.