Le secrétaire d'État John Kerry vante la transition démocratique birmane

Le secrétaire d'État John Kerry assis auprès de la Birmane Aung San Suu Kyi avant une réunion à Naypyitaw, Birmanie, le 22 mai 2016.

Le chef de la diplomatie américaine John Kerry a vanté la transition "historique" en Birmanie vers un pouvoir civil piloté par Aung San Suu Kyi, estimant qu'elle faisait avancer la cause de la démocratie dans le monde.

Cette évolution après des décennies de règne militaire est "une déclaration remarquable faite aux peuples à travers le monde", a déclaré John Kerry à la prix Nobel de la paix pour la première rencontre bilatérale de ce niveau depuis la prise de fonction du nouveau gouvernement birman fin mars.

"Cet événement historique pour le pays, est réellement historique pour la cause de la démocratie dans le monde", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse conjointe avec Suu Kyi dans la capitale Naypyidaw.

"Aujourd'hui, mon message est très, très simple, nous soutenons fermement la transition démocratique qui se déroule ici".

Le parti de l'ancienne opposante, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), a été porté au pouvoir par les législatives du 8 novembre, premier scrutin libre depuis des décennies, quatre ans après l'autodissolution de la junte militaire en 2011.

Cette visite du chef de la diplomatie américaine, qui a rappelé avoir rendu visite à Aung San Suu Kyi à une époque où elle n'était pas libre de ses mouvements, intervient alors que Washington vient à nouveau d'alléger ses sanctions économiques contre le pays.

La "dame de Rangoun", ministre des Affaires étrangères, occupe également la fonction nouvelle de conseillère spéciale d'Etat qui lui permet de piloter le gouvernement en dépit d'une Constitution héritée de la junte lui interdisant d'être présidente. Son allié de longue date Htin Kyaw exerce la fonction de président.

"Je sais que l'héritage de plus d'un demi-siècle de régime militaire n'a pas été complètement effacé", a déclaré Kerry mais pour lui, le nouveau gouvernement "a déjà accompli des choses extraordinaires".

Ce dernier a aussi rencontré dimanche le chef de l'armée Min Aung Hlaing, que Washington voudrait convaincre d'ouvrir la porte à de nouvelles réformes.

Les deux hommes ont discuté de la "mise en oeuvre d'une démocratie multi-partis" et de l'assouplissement des conflits, d'après un commentaire posté sur la page Facebook d Min Aung Hlaing.

L'armée conserve en effet d'importants intérêts économiques et une grande influence politique.

Cette dernière garde le contrôle de certains ministères clés (Intérieur, Défense et Frontières) et un quart des sièges au Parlement grâce à des députés non élus, lui donnant de facto un droit de veto pour toute amendement de la Constitution.

La délicate question des Rohingyas

Le pays fait toujours face à d'énormes défis, infrastructures décrépies, pauvreté, conflits dans les régions frontalières avec des groupes ethniques armés, tensions religieuses.

Sur le plan économique, les Etats-Unis ont levé il y a quelques jours les sanctions économiques contre le pays mais maintenu leur liste noire de personnes accusées d'entraver la démocratisation du pays.

"Si nous empruntons la bonne voie, toutes les sanctions seront levées en temps utile", a commenté Aung San Suu Kyi.

Les investissements américains dans le pays reste mineurs, même si certaines entreprises américaines, dont Coca-Cola et Pepsi, la chaîne de restauration rapide KFC et les constructeurs automobiles Chevrolet et Ford ont déjà établi une présence commerciale.

Mais les sujets de tension demeurent.

Ces dernières semaines, l'ambassade américaine a été la cible des critiques des bouddhistes extrémistes après avoir utilisé le terme Rohingya pour désigner la minorité musulmane persécutée.

Ce mot divise dans le pays, qui a connu en 2012 de fortes violences communautaires, notamment dans l'ouest où vivent de nombreux Rohingyas.

Plus de 100.000 Rohingyas languissent dans les camps de déplacés depuis ses violences, qui avaient fait 200 morts et les 1,1 million de Rohingyas de Birmanie sont apatrides.

Lors de la conférence de presse, Aung San Suu Kyi a reconnu que l'identité était d'une "importance extrême" et ajouté que son gouvernement cherchait une solution acceptable pour tous.

Cette dernière, sévèrement critiquée ces dernières années pour son silence sur ce sujet, a promis de travailler pour permettent aux communautés "de vivre en paix et en toute sécurité à l'extérieur des camps".

Kerry devait poursuivre son voyage au Vietnam, où il accompagnera le président américain Obama pour une visite de trois jours centrée sur le renforcement des liens stratégiques et commerciaux mais aussi les droits de l'homme.
Avec AFP