Kiir engage des lobbystes américains pour bloquer un tribunal

Le président du Soudan du Sud, Salva Kiir, au palais présidentiel de Juba, le 4 mars 2019.

Le président sud-soudanais Salva Kiir a engagé début avril des lobbyistes américains, parmi lesquels un ancien ambassadeur au Kenya, notamment pour bloquer la création d'un tribunal chargé de juger les responsables des exactions commises depuis le début de la guerre civile en 2013.

Le contrat, consultable sur le site du ministère américain de la Justice, porte sur un montant de 3,7 millions de dollars (3,3 millions d'euros) et a été signé le 2 avril par le numéro 2 du protocole de la présidence sud-soudanaise "au nom du président Salva Kiir", et par les deux directeurs de la société Gainful Solutions, dont l'ancien ambassadeur des États-Unis au Kenya entre 2006 et 2011, Michael Ranneberger.

"L'ambassadeur (à la retraite) Michael Ranneberger, ainsi que son associé Soheil Nazari-Kangarlou, au travers de leur société commune Gainful Solutions Inc., est ici engagé par le gouvernement du Soudan du Sud (GOSS), via le bureau du président, pour aider le GOSS à améliorer les relations avec les États-Unis, à la fois sur le plan politique et économique", stipule le contrat de deux ans.

Mais le contrat comporte des objectifs bien plus inavouables, notamment son point numéro 4: "Retarder et in fine bloquer la mise en place d'un tribunal hybride envisagé par le R-ARCISS", l'acronyme désignant en anglais le nouvel accord de paix sud-soudanais conclu en septembre 2018 à Addis Abeba.

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Prévu dans un premier accord de paix signé en août 2015, puis dans celui d'Addis Abeba de 2018, ce tribunal "hybride" serait un tribunal spécial indépendant mêlant droit national et droit international et chargé d'enquêter sur et de juger les responsables des exactions depuis le début de la guerre civile. Sa création a été réclamée à maintes reprises par la communauté internationale.

Dans le contrat, le gouvernement demande également aux lobbyistes d'ouvrir "un canal de communication entre le président Kiir et le président Trump", de "persuader l'administration Trump de revenir sur les sanctions actuelles et de bloquer d'éventuelles sanctions supplémentaires".

Le gouvernement du président Kiir souhaiterait également des lobbyistes qu'ils persuadent "l'administration Trump d'ouvrir une relation militaire avec le Soudan du Sud pour renforcer la lutte contre le terrorisme et promouvoir la stabilité régionale".

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Le Soudan du Sud a sombré dans la guerre civile en décembre 2013, lorsque le président Kiir a accusé Riek Machar, son ancien vice-président de fomenter un coup d'État. Le conflit, marqué par des atrocités à caractère ethnique et le recours au viol comme arme de guerre, a fait plus de 380.000 morts selon une étude récente, et poussé plus de quatre millions de Sud-soudanais, soit près d'un tiers de la population, à quitter leurs foyers.

MM. Kiir et Machar sont censés former un gouvernement d'unité nationale d'ici au 12 mai, aux termes du dernier accord de paix. Mais M. Machar a d'ores et déjà demandé un report de plusieurs mois, estimant que sa sécurité n'était pas assurée à Juba.

M. Machar avait dû fuir Juba en 2016 sous les tirs de l'armée gouvernementale, après l'échec d'un précédent accord de paix qui avait entraîné de violents affrontements entre leurs forces.