"Laissez-moi vous donner un chiffre : 83 % des pauvres en Afrique vivent de l'agriculture de subsistance", a déclaré Albert Zeufack, économiste en chef de la Banque mondiale pour l'Afrique, au cours d’un panel de discussion organisé dans le cadre du Africa CEO Forum.
"Nous ne pouvons pas continuer dans ce modèle. Nous devons sortir de l'agriculture de subsistance, qui, sans pluie, est la source de la pauvreté en Afrique. L'Afrique est la seule région du monde où les gens comptent sur la pluie pour faire pousser leur nourriture", a-t-il ajouté.
Partant de ce constat, Albert Zeufack milite pour moins de subventions et plus d’investissement dans l'agriculture en Afrique.
"Nous devons stimuler la productivité de l'agriculture en investissant, et non en distribuant davantage de subventions, explique-t-il. Si vous regardez les dépenses publiques en Afrique dans l'agriculture pour les pays africains, la plupart vont dans les subventions. L'investissement et l'innovation qui augmenteraient pourtant la productivité et permettraient que plus de gens quittent l'agriculture pour des activités plus productives. Et ceux qui resteraient dans l'agriculture vivraient mieux".
"Ralentissement de la croissance"
Une cinquantaine de présidents et ministres, ainsi que des centaines de chefs d’entreprises, prennent actuellement part à Abidjan, en Côte d’Ivoire, au sommet annuel de l'Africa CEO Forum. Ce rendez-vous de débats et de conférences du secteur privé africain se tient cette année dans un contexte particulier.
"Cette situation due à la pandémie a été accentuée avec la crise en Ukraine et ses répercussions économiques et sociales et même financières dans le monde, constate Alassane Ouattara, le président ivoirien. Nous sommes préoccupés par le ralentissement de la croissance mondiale et le problème de la disponibilité de certains produits tels que le blé et les engrais et bien sûr, la poussée inflationniste alimentée par la situation de l’augmentation des prix du carburant."
Quant à Jérôme Petit, en charge de la logistique Afrique au sein du groupe Bolloré, il se dit confiant dans la mise en œuvre de la zone de libre échange continentale africaine, un projet qui devrait augmenter le commerce intra africain.
Il faudrait que l'Afrique soit "moins dépendante du reste du monde pour sa consommation", explique-t-il. "Et donc il faut développer la fabrication, la transformation industrielle et la production intra africaine. Tout ceci bien sûr ne sera une réalité que si la fameuse zone de libre échange commerciale panafricaine se met en place. La Zlecaf pour nous est un grand enjeu."
"L'Afrique peut nourrir l'Afrique"
Durant la conférence, il a aussi été question de nouvelles routes vers la prospérité du continent. Les décideurs africains vont réfléchir sur des thèmes aussi variés que l’indépendance économique de l’Afrique, comment faire face aux défis liés à la cyber sécurité, l’accélération du commerce intra africain ou encore la contribution du secteur privé face à l’insécurité alimentaire.
Makhtar Diop, qui dirige la Société financière internationale, une filiale de la banque mondiale dédiée au secteur privé, se dit confiant et met en avant les solutions technologiques.
"L’Afrique peut nourrir l’Afrique, à condition de transformer son secteur agricole et de s’attaquer à la question de l’accès à la terre", assure-t-il. "Nous avons des startups talentueuses, nous avons beaucoup de talents en Afrique et les investissements qui seront faits dans les câbles sous-marins devraient permettre d’accélérer cette transformation structurelle de nos économies".
Les organisateurs de l'Africa CEO Forum 2022 espèrent que ce type de rencontre pourra aider à construire une Afrique unie face aux enjeux mondiaux, forte vis-à-vis de ses partenaires internationaux et protectrice de ses populations.