"Il y a eu pas mal d'avancées: le taux de pauvreté a baissé énormément en Afrique subsaharienne. On est parti de 60% dans les années 1990 (pour arriver) à 40% aujourd'hui. C'est (encore) très élevé mais c'est un progrès", affirme M. N'Diaye, chef de division Afrique au FMI, qui a supervisé le rapport intitulé "Faire face à l'incertitude".
"Le taux de mortalité infantile a baissé. Les conditions de vie sont meilleures qu'il y a 20 ans. Ce sont des réalisations qui doivent être reconnues et applaudies", estime M. N'Diaye, qui cite aussi la modernisation du continent et la transformation de villes comme Dakar ou Abidjan.
Toutefois, "il y a énormément de choses à faire. Notamment pour atteindre les objectifs de développement durable".
"La croissance 2019 est estimée à 3,2% pour l'Afrique subsaharienne et elle devrait augmenter à 3,6% en 2020", selon le FMI. Mais il y a une "forte hétérogénéité entre les pays exportateurs de pétrole ou riches en ressources minières", qui patinent, et les pays dont les exportations sont plus diversifiées, qui atteignent des taux de croissance d'à peu près 6% voire 7% ou 8%.
L'économiste nuance toutefois le constat: "En PIB par habitant c'est beaucoup moins", du fait de l'importante croissance démographique (2 à 2,5% par an).
- "Croissance plus inclusive" -
Il y a même douze pays d'Afrique subsaharienne qui devraient avoir une croissance par habitant négative en 2019, et les deux géants économiques, le Nigeria et l'Afrique du Sud, devraient stagner.
Il faut pouvoir générer une croissance supérieure à l'augmentation de la population. "C'est là l'un des principaux défis", note M. N'Diaye. A l'horizon 2030, il faut créer 20 millions d'emplois chaque année pour les nouveaux entrants sur le marché du travail, soit le double de ce qui a été fait sur la période 2017-2019.
"Je ne dirai pas c'est impossible, mais" cela nécessite "la collaboration de plusieurs acteurs. Pas uniquement le public. Mais aussi le secteur privé, l'international ainsi que les donneurs et les bailleurs de fonds", avance-t-il.
Il souligne qu'il faut qu'à "terme, les gouvernements s'attèlent à ce que la croissance soit plus inclusive", c'est-à-dire mieux partagée.
Autre souci pour le continent, le djihadisme dans la zone sahélienne qui outre les pertes en vie humaines, a fait "augmenter les dépenses militaires" de pays disposant déjà de peu de ressources. "C'est 4% du PIB, 20% des recettes fiscales. L'argent est dévié" vers les dépenses sécuritaires au lieu de servir à des fins sociales, d'éducation ou de santé.
Là aussi, "c'est un problème qui va requérir la collaboration de plusieurs acteurs (...). Il faut une collaboration internationale", estime M. N'Diaye.
- La corruption coûte cher -
Pour l'économiste, le grand marché unique africain, la Zone de libre-échange continentale (Zlec), officiellement lancée en juillet à Niamey, va "créer des possibilités" et améliorer la concurrence, même si la tâche à accomplir est immense pour réduire les barrières douanières et les barrières non-tarifaires (comme le mauvais état des routes) qui freinent les échanges.
Le rapport souligne d'ailleurs que la concurrence est moins importante en Afrique subsaharienne que dans le reste du monde, ce qui entraîne à la fois une plus faible compétitivité des entreprises et des prix plus élevés.
"Le prix des produits de première nécessité ou du panier individuel du consommateur est plus élevé de 20% en Afrique que dans autres pays en développement", selon le rapport.
La corruption reste également un sujet de préoccupation. "La (mauvaise) gouvernance coute cher. A la croissance, à l'Etat, à la crédibilité de l'Etat. Elle réduit à la confiance des citoyens. Elle gangrène le climat des affaires", ajoute M. N'Diaye, qui indique que des points de croissance pourraient être gagnés en réduisant la corruption.
M. N'Diaye se veut cependant optimiste:
"L'Afrique fait face à des défis de grande ampleur. C'est un continent qui a énormément de potentiel. Il est là, palpable, atteignable!", si les bonnes réformes sont menées.