L'endettement inquiète au Cameroun

Le président camerounais Paul Biya à Beijing, Chine , le 22 mars 2018.

Au Cameroun, le débat sur le volume de la dette extérieure du pays estimé à 6.527 milliards de francs CFA prend de l’ampleur dans le contexte de pré-campagne électorale. Les économistes, hommes politiques et universitaires sont divisés sur le sujet.

Alors que les partenaires extérieurs s’inquiètent des difficultés recensées, dans la mise en œuvre au Cameroun, des 203 projets financés sur des ressources extérieures, le gouvernement pour sa part, balaie du revers de la main, les craintes relatives à un surendettement du Cameroun.

L’un des candidats à l’élection présidentielle, Cabral Libii, a remis en scène la question de l’endettement du Cameroun.

Dans une lettre ouverte au président Paul Biya, le candidat Cabral Libii, critique "les errements de la politique d’endettement du Cameroun".



Un point de vue que réfute, l’économiste et homme politique, Celestin Bedzigui, un allié du président Paul Biya, qui explique que : "en finance, l’effet de levier des emprunts en théorie économique est établi. Le taux de rentabilité interne des emprunts est plus élevé que les fonds propres. Le pays peut continuer avec sa politique actuelle de l’endettement et tenir sur cette opportunité".

La dette extérieure du Cameroun s’est considérablement accru ces 36 dernières années. Elle représente en mai 2018, 32 % de produit intérieur brut du pays.

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Une dette inquiétante

Aujourd’hui, la Chine est le principal créancier extérieur du Cameroun avec 3.000 milliards de francs CFA, injectés dans l’économie camerounaise entre 2007 et 2017.

Cet endettement spécifique vis-à-vis de la Chine inquiète, comme le souligne le professeur Raymond Eballe, enseignant d’Histoire économique à l’université de Yaoundé 1.

"C’est un endettement politique pour accompagner les programmes politiques du président Biya en termes de grands travaux structurants. Mais en dehors de quelques projets, comme le port de Kribi, on se rend compte qu’une grande partie de cette dette n’est pas cohérente", analyse-t-il.

"On s’endette pour construire les stades parce qu’il faut à tout prix organiser une coupe d’Afrique des nations de football", rappelle-t-il. "Sans compter que certains projets n’ont pas vu le jour. Nous sommes en 2018 et je peux prendre le cas des barrages hydroélectriques, le Cameroun est toujours en déficit énergétique".

Selon les normes économiques de la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), le taux d’endettement par pays membre ne doit pas excéder 70 % de son produit intérieur brut.

Le Cameroun respecte encore cette norme, mais peine sur certains projets financés les ressources extérieure à rendre sa dette productive.

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Accroître la croissance et réduire la pauvreté

Selon Elisabeth Huybens, directrice des opérations de la Banque mondiale au Cameroun, "le gouvernement camerounais s’est beaucoup mieux approprié ses projets avec les différents partenaires. Nous pouvons mener des discussions continues tout en se rassurant que tous les projets en cours vont aider à accroître la croissance et la réduction de la pauvreté".

À titre illustratif, les partenaires financiers extérieurs n’ont pas pu débloquer 5.000 milliards de francs CFA l’an dernier en faveur du Cameroun. En cause, des projets immatures et mal montés par la partie camerounaise, selon la Caisse autonome d'amortissement. Le gouvernement dit vouloir rectifier le tire.

Pour Isaac Tamba, directeur général de l’économie et de la programmation des investissements publiques, au ministère de l'Économie, de la planification et de l’aménagement du territoire, "il y a un travail qui a été fait par le Comité national de la dette publique et la direction générale de la coopération".

"L’une des décisions auxquelles on va aboutir sera certainement l’annulation de projets pour pouvoir nettoyer le portefeuille. Un dialogue sera engagé avec le FMI afin de trouver le juste-milieu".

Lors de sa récente visite en Chine, le président camerounais a sollicité l'annulation de la dette du Cameroun vis-à-vis de la Chine. Une sollicitation sur laquelle la partie chinoise est restée silencieuse.