Un proche de l'ex-chef de l'Etat a indiqué à l'AFP que le président déchu, jusque-là détenu dans un lieu inconnu, avait été transféré dans la nuit dans une prison du nord de Khartoum.
M. Béchir, 75 ans, a vu ses trois décennies de règne s'achever jeudi dernier avec sa déposition par les militaires après quatre mois de contestation populaire.
Il est par ailleurs sous le coup de mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), notamment pour "génocide" dans la province du Darfour (ouest), mais son extradition reste très incertaine.
Lire aussi : Le sit-in des manifestants soudanais résiste pour réclamer un conseil civil de transitionDans la capitale, des milliers de personnes sont toujours présentes pour le 12e jour consécutif devant le QG de l'armée. Le pays est en proie depuis décembre à une contestation inédite, déclenchée à l'origine par un triplement du prix du pain.
Les revendications de départ du président Béchir ont évolué en exigence de dissolution du Conseil militaire qui lui a succédé, les manifestants réclamant désormais l'instauration d'un pouvoir civil.
"Nous avons fait face aux gaz lacrymogènes, beaucoup d'entre nous ont été emprisonnés. On nous a tiré dessus et beaucoup ont été tués. Tout cela parce que nous avons dit ce qu'on voulait", a déclaré mercredi à l'AFP une manifestante, Fadia Khalaf.
- "Energie pour continuer" -
Au moins 65 personnes sont mortes depuis le début de ce mouvement en décembre, selon un bilan officiel.
"Quand je pense à ceux qui ont été tués dans la contestation, cela me donne de l'énergie pour continuer", a expliqué Ossama Hussein, un manifestant.
Des médecins et des journalistes ont rejoint mercredi le sit-in. Les premiers en blouse blanche, scandant "liberté, paix et justice", sont partis de l'hôpital central de Khartoum. Les journalistes ont entamé eux leur marche à partir du siège de l'agence de presse officielle Suna.
Les leaders du mouvement soulignent que la "révolution" n'a pas encore atteint ses objectifs. "Nous avons renversé le dictateur, mais ses lois sont encore en place", a souligné dans un communiqué l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), qui regroupe plusieurs formations parties prenantes de la contestation.
"On a peur qu'on nous vole notre révolution, c'est pourquoi nous restons sur place, et nous ne partirons pas avant d'obtenir satisfaction à nos demandes", a indiqué la manifestante Fadia Khalaf.
Le conseil militaire a déjà fait des gestes envers les manifestants en libérant des protestataires, limogeant des figures controversées du nouveau pouvoir, et en promettant qu'un gouvernement civil serait établi, sans ingérence des militaires.
Mais lundi, la SPA a exigé que le Conseil militaire soit dissout et remplacé par un conseil civil, comprenant aussi des représentants de l'armée, une exigence qui a tendu les relations avec l'armée.
Samedi, le général Abdel Fattah Buhrane avait promis "d'éliminer les racines" du régime d'Omar el-Béchir. Le Conseil militaire qu'il dirige compte toutefois parmi ses dix membres des piliers du pouvoir sortant.
- "Cessez-le-feu" -
Parmi les autres mesures prises par le Conseil militaire figurait un cessez-le-feu à travers ce pays en proie à diverses rébellions.
Un haut responsable rebelle a ordonné mercredi la suspension des hostilités jusqu'à fin juillet dans les Etats méridionaux du Nil Bleu et du Kordofan-Sud, où ses hommes sont engagés dans des combats contre les forces gouvernementales.
Abdelaziz Al-Hilou, chef du Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (SPLM-N), a parlé d'un "gage de bonne volonté pour donner une chance à un transfert immédiat du pouvoir aux civils".
Concernant le sort d'Omar el-Béchir, visé par des mandats d'arrêt de la CPI pour "crimes de guerre" et "crimes contre l'humanité" puis pour "génocide" au Darfour (ouest), le pouvoir militaire a d'abord affirmé qu'il refuserait de l'extrader.
Puis il a, par la voix du général Jalaluddine Cheikh, indiqué que la décision serait "prise par un gouvernement populaire élu et non par le Conseil militaire".
Omar El-Béchir "doit être immédiatement remis à la CPI", a déclaré mercredi Amnesty International dans un communiqué.
"Son cas ne doit pas être jugé précipitamment par le système judiciaire soudanais, notoirement dysfonctionnel", a ajouté l'ONG.
"Un procès devant la CPI n'est pas seulement vital pour les victimes des crimes atroces qui l'ont conduit à être inculpé mais doit constituer un premier pas pour garantir la justice" dans le pays.
Le général Abdel Fattah al-Burhane, chef du Conseil militaire de transition, a ordonné par ailleurs mercredi à la banque centrale de contrôler tous "les grands transferts d'argent".
Sur le plan diplomatique, les Etats-Unis ont indiqué être prêts à retirer le Soudan de leur liste des pays accusés de soutenir le "terrorisme" si le Conseil militaire engageait un "changement fondamental" de gouvernance.
Un responsable du Département d'Etat a aussi précisé que Washington avait poussé le Conseil militaire à "agir rapidement" pour inclure des civils dans un gouvernement provisoire et organiser des élections.