Le gouvernement congolais a interdit, il y a trois mois et demi, l’importation de ces boissons.
Les personnes vivant avec un handicap dénoncent le deux poids deux mesures dans l’application de l’arrêté du ministre du commerce extérieur.
La mesure doit durer six mois. Elle vise, selon les autorités congolaises, à protéger l’industrie locale qui contribue au budget de l’État.
La plupart des personnes vivant avec un handicap livrent au quotidien des bières Amstel ou Primus produites au Burundi, que des particuliers leur confient pour les faire traverser en RDC au moyen de leurs vélos pour handicapés.
Elles en font une activité principale de survie, profitant des allègements douaniers dont elles sont bénéficiaires au regard de leur vulnérabilité.
Selon Célestin Malumbi Bitangacha, coordonnateur de l’Association Adipha, Action pour le développement intégrale de personnes en situation d’handicap, un seul vélo fait entrer en vrac entre 5 à 10 caisses de bières.
La rémunération varie entre 5 à 10 dollars pour la personne vivant avec handicap et son pousse-pousseur. Celui-ci l’aide à convoyer la marchandise sur une distance d’environ 8 à 9 kilomètres de Gatumba, à la frontière Burundaise, jusqu’à la cité d’Uvira en passant par la frontière de Kanvivira.
Claude Misare, coordonnateur de la Nouvelle société civile congolaise à Uvira, révèle que dans la cité d’Uvira, cette mesure gouvernementale touche plus les petits commerçants y compris les personnes vivant avec handicap.
"Selon mes sources, de grosses quantités de ces boissons entrent clandestinement via la plaine de la Ruzizi. Ce qui achalande les marchés de bière de Bukavu et Uvira ", indique M. Misare.
M. Malumbi est, lui, d’avis que l’Etat est dans son droit de réglementer l’importation, mais que la mesure fragilise davantage les personnes vivant avec handicap en leur privant de leur gagne-pain. Il plaide pour l’allégement de la mesure en faveur cette catégorie des personnes.
Le président de la Ligue des consommateurs des services au Congo-Kinshasa, Mizo Kabare, pense que l’Etat doit s’impliquer pour un meilleur encadrement des personnes vivant avec handicap.
"Mais pour booster l’économie locale, il est primordiale que même ces derniers (les personnes vivant avec handicap) soient mis en contribution dans la protection et promotion de l’industrie locale", préconise M. Kabare.
Patient Kasigwa, artiste et habitant d’Uvira, estime plutôt qu’une bonne promotion de l’industrie locale passe par la diminution de la taxation vis-à-vis de ces industries locales.
"Je trouve aberrant que malgré la suspension de l’importation des bières Burundaise en RDC, celles-ci achalandent le marché et coûtent toujours moins chères que nos bières congolaises. L’Etat devra revoir à la baisse la taxation qu’il prélevé aux entreprises brassicoles", plaide M. Kasigwa.
La situation n'est pas très différente au Burundi où une association de personnes handicapées appelle à l'aide.
Même au Burundi, la bière se raréfie aussi. L’unique brasserie et limonaderie du pays, Brarudi en sigle, voit ses produits alcoolisés diminuer de jour en jour. Les organes de direction indiquent que le manque de devises explique cette situation.
A Uvira près de 70 personnes affectées par un handicap vivent des commissions perçues des particuliers à chaque traversée des bières du Burundi en RDC via la frontière de Kanvinvira.
Les services de la Direction générale des douanes et accises, DGDA, ont, selon M. Malumbi, saisi entre fin septembre et octobre 2017 à Kamvivira, une trentaine des vélos pour handicapés transportant de bières en provenance du Burundi.
Après des plaidoyers, les vélos ont été rendus aux handicapés mais la boisson évaluée, selon Adipha, à plus de 200 caisses a été acheminée à l’entrepôt de la DGDA Kanvinvira.
Les services de la DGDA Uvira avaient pris soin de prévenir en amont les habitués du commerce transfrontalier de cette mesure visant à protéger les industries locales qui contribuent au budget de l’État par les paiements des taxes, impôts et redevances.
La société civile locale s’interroge tout de même si cette mesure du gouvernement ne viole pas le principe de libre échange des biens prônée par la Communauté économique des pays des Grands Lacs, CEPGL dont la RDC est membre.
Ernest Muhero, correspondant dans le Sud-Kivu pour VOA Afrique