La justice militaire congolaise a annoncé samedi l'ouverture prochaine du procès des présumés assassins de deux experts de l'ONU tués en mars dans le Kasaï, dans le centre de la République démocratique du Congo (RDC), sans en préciser la date.
"Cela semble avoir été mené avec pas mal de rapidité", a commenté le porte-parole de l'ONU Stéphane Dujarric.
Il a souligne que Kinshasa n'avait pas encore communiqué ses conclusions à l'ONU.
Le Conseil de sécurité s'est réuni a huis clos mardi pour discuter de ce dossier.
"Nous allons demander à l'ONU de mettre des options sur la table", a indiqué un diplomate suédois, Carl Skau. "Il faut faire davantage pour garantir que c'est mené d'une manière adéquate".
M. Dujarric a précisé qu'une commission d'enquête de l'ONU présentera un rapport fin juillet. La Suède et les Etats-Unis enquêtent également de leur côté.
L'Américain Michael Sharp et la Suédo-chilienne Zaida Catalan, deux experts missionnés par le secrétaire général de l'ONU pour enquêter sur les violences dans la province du Kasaï-central, secouée par la rébellion de Kamwina Nsapu, chef traditionnel tué en août 2016 lors d'une opération militaire, avaient été enlevés le 12 mars et leurs corps retrouvés 16 jours plus tard dans une fosse commune.
- La crédibilité des autorités mise en doute -
Le parquet de la République démocratique du Congo a annoncé mardi qu'il enquêtait sur l'implication présumée d'un député congolais d'opposition dans les violences qui secouent depuis septembre la région du Kasaï, dans le centre du pays.
Deux experts de l'ONU, l'Américain Michael Sharp et la Suédo-Chilienne Zaida Catalan, missionnés au Kasaï par le secrétaire général des Nations Unies pour enquêter sur ces violences, y avaient été enlevés et assassinés en mars.
Samedi, le quotidien américain New York Times a révélé que Zaida Catalan détenait un enregistrement sonore du député Clément Kanku en conversation téléphonique avec l'un des présumés auteurs des massacres au Kasaï.
"La nature et les circonstances de cette conversation ne peuvent aucunement laisser indifférent" le parquet, a déclaré Flory Kabange Numbi, procureur général de la République, lors d'une conférence de presse. "Ce lundi 22 mai, j'ai été amené à ouvrir une enquête pour en savoir un peu plus".
Le procureur a affirmé avoir écrit au président de l'Assemblée nationale "pour nous permettre de conduire des enquêtes indispensables dans cette sinistre affaire". Mais "il n'est nullement question de chercher à obtenir la levée des immunités" parlementaires à ce niveau de la procédure.
Si les faits reprochés au député Kanku étaient établis, il pourrait être inculpé de "participation à un mouvement insurrectionnel" et assassinat", a-t-il ajouté.
Député de l'opposition, M. Kanku a été ministre du gouvernement congolais du 20 décembre - jour de la fin du deuxième et dernier mandat constitutionnel du président Joseph Kabila - au 9 mai 2017, dans le cadre d'un accord politique signé en octobre entre la majorité et une frange minoritaire de l'opposition.
Dans un communiqué, le mouvement congolais Lutte pour le changement (Lucha) a demandé une "enquête internationale indépendante" sur les violences au Kasaï, doutant de la volonté des autorités congolaises de "mener une enquête sérieuse et crédible".
Lucha exige également du secrétaire général de l'ONU "le remplacement immédiat" de son représentant spécial en RDC, Maman Sidikou, "pour incompétence, complaisance, négligence et manque de leadership".
- 'Consterné' -
Plus tôt, M. Kanku s'était dit "consterné par ces allégations " qu'il "réfute totalement".
"Je suis convaincu que toute la lumière sera faite dans cette affaire et que justice sera rendue aux nombreuses victimes d'exactions abominables dans le Kasaï y compris les deux experts des Nations Unies", a-t-il dit.
L'enregistrement dont parle le New York Times remonte à début août 2016 et circulait sur l'internet depuis janvier.
Élu du Kasaï, M. Kanku évoquait notamment l'assassinat d'un colonel et de ses gardes avec un présumé milicien lui rendant compte des actes de violences commis par la milice à Tshimbulu (Kasaï).
Cette région est secouée depuis septembre par la rébellion de Kamwina Nsapu, chef traditionnel tué le 12 août 2016 lors d'une opération militaire.
"Aucune enquête n'a jamais été menée sur les circonstances de ce meurtre et le rôle joué dans cette affaire par les autorités, notamment par le ministre de l'Intérieur de l'époque, Évariste Boshab", ajoute Lucha dans son communiqué.
Depuis, les violences qui impliquent miliciens, soldats et policiers ont fait plusieurs centaines de morts et causé le déplacement de 1,27 million de personnes.
L'ONU accuse les rebelles Kamwina Nsapu d'enrôler des enfants-soldats et d'avoir commis des atrocités, tout en dénonçant également l'usage disproportionné de la force par l'armée congolaise.
Michael Sharp et Zaida Catalan faisaient partie d'un panel d'experts de l'ONU recherchant des informations sur plus d'une quarantaine de fosses communes découvertes au Kasaï.
Samedi, la justice militaire congolaise avait annoncé l'ouverture prochaine du procès des présumés assassins des deux experts.
Les violences au Kasaï surviennent au moment où la RDC traverse une crise politique à laquelle s'ajoute une crise économique, sécuritaire et humanitaire liée à la déstabilisation de plusieurs provinces par des groupes armés.
Avec AFP