Au siège de l'ONU à New York, la vie est désormais au ralenti. Temple du multilatéralisme, des petites et grandes réunions sur tous les conflits et sujets, l'Organisation vacille sous le coup de la pandémie de coronavirus, incompatible avec le travail de diplomates cherchant au quotidien des consensus grâce aux contacts humains.
"Tout devient un peu plus compliqué", confie un diplomate en évoquant le télétravail auquel il est astreint comme une majorité d'employés du secrétariat (3.000 fonctionnaires) et des centaines de collègues travaillant au sein des missions des 193 Etats membres.
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Un premier signalement d'un cas de Covid-19 --une diplomate philippine-- est survenu jeudi, entraînant la fermeture de sa mission. Le lendemain, le bâtiment de l'Agence pour l'enfance (Unicef), situé près du siège de l'ONU, était brusquement fermé après l'annonce de symptômes de grippe chez trois employés, sans même de confirmation de coronavirus.
Dans une lettre à tous les fonctionnaires de l'ONU, obtenue par l'AFP, le secrétaire général de l'organisation Antonio Guterres, qui a annulé vendredi un voyage en Afrique et a imposé un télétravail au personnel non essentiel jusqu'au 12 avril, souligne la nécessité de "rester calme et déterminé".
"Les Nations unies font face à l'un des plus gros défis de notre histoire", ajoute-t-il, en évoquant "un impact majeur" sur les employés et leur travail.
Le secrétariat de l'ONU gère quelque 100.000 Casques bleus dans une quinzaine d'opérations de paix et vient en aide quotidiennement à des millions de gens dans le monde.
- "Ville fantôme" -
Plusieurs mesures affectent le Conseil de sécurité, garant de la paix et de la sécurité mondiales.
En vertu d'une décision de la Chine, présidente en mars de cette instance, les délégations ne doivent pas comprendre plus de trois personnes et les consultations à huis clos se tiennent dans la vaste chambre dédiée aux réunions publiques qui permet davantage de distance entre diplomates que la petite salle utilisée jusqu'alors.
Dans la semaine à venir, plusieurs sessions ont été annulées pour ne garder qu'une réunion sur le Darfour et une autre sur le... multilatéralisme.
Un essai récent d'une réunion des quinze membres du Conseil par télé-conférence s'est révélé catastrophique. "Cela a été une faillite technique", reconnaît un ambassadeur sous couvert d'anonymat.
Très attachée aux procédures, la Russie n'est pas favorable aux sessions sans "rencontres physiques".
L'alinéa 3 de l'article 28 de la Charte des Nations unies prévoit des réunions "à tous endroits" mais "pas virtuelles", indique à l'AFP l'ambassadeur russe adjoint à l'ONU Dmitri Polyanskiy, notant que rien ne s'oppose à ce qu'un Etat membre y participe via vidéo s'il le désire.
Nul n'est en mesure de prévoir la fin des entraves au travail des diplomates et de l'ONU qui comptait célébrer en grande pompe son 75e anniversaire à l'occasion de l'Assemblée générale en septembre qui réunit chaque année des dizaines de chefs d'Etat, de gouvernement ou de ministres.
La pandémie "aura très probablement un impact sur l'Assemblée générale mais il est trop tôt pour en connaître les détails", affirme Stéphane Dujarric, porte-parole de l'ONU.
Dans les couloirs du vaste complexe situé au coeur de Manhattan, c'est la "ville fantôme", soupire un garde à un point de contrôle, en ne comptant plus les passages mais les heures... "On vient mais il y a de moins en moins de réunions, les consensus vont être plus difficiles à trouver", renchérit un ambassadeur, bien esseulé à l'entrée du bar des délégués.
Dans le bâtiment, fermé tardivement aux touristes, le self-service est depuis peu banni dans les cafétérias, des désinfectants ont été disposés un peu partout et les saluts ne se font plus qu'à distance respectable.
La vie diplomatique onusienne qui se poursuit chaque soir à New York avec une ou plusieurs réceptions organisées par les missions auprès de l'ONU est pour sa part quasiment à l'arrêt.
Le coronavirus a au moins un avantage, note Stéphane Dujarric. Moins de voyages, moins de réunions, cela veut dire que l'ONU, confrontée à des problèmes budgétaires récurrents, "dépensera moins d'argent".
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