Ce scrutin doit marquer la première transition entre deux présidents élus dans ce vaste pays du Sahel secoué par de nombreux coups d'Etat de 1978 à 2008, date du putsch qui a porté Mohamed Ould Abdel Aziz au pouvoir, avant son élection en 2009. Il ne pouvait se représenter après deux mandats.
Les Mauritaniens ont voté samedi nombreux - 62,66% de participation - pour désigner leur président, qui devra préserver la stabilité chèrement conquise par le pays, mais aussi en assurer le développement économique et y faire progresser le respect des droits humains.
La Commission nationale électorale indépendante (Céni) a confirmé la victoire revendiquée dès avant l'aube dimanche par M. Ghazouani, qui remporte 52,01% des suffrages et arrive en tête dans toutes les provinces du pays, à l'exception de Nouadhibou (nord-ouest).
Lire aussi : L'opposition conteste les résultats lors de la proclamation de la victoire du candidat du pouvoirIl est suivi par quatre opposants: le militant anti-esclavagiste Biram Ould Dah Ould Abeid (18,58%), l'ex-Premier ministre Sidi Mohamed Ould Boubacar (17,87%) le journaliste Baba Hamidou Kane (8,71%) et le professeur d'université Mohamed Ould Moloud (2,44%).
Ces résultats doivent encore être validés par le Conseil constitutionnel après examen d'éventuelles contestations, alors que les quatre candidats d'opposition ont annoncé leur intention d'utiliser tous les recours légaux.
Ils exigent de la Céni la publication des résultats "bureau par bureau" afin de pouvoir les comparer avec leurs propres relevés qui valideraient l'hypothèse de la tenue d'un second tour, le 6 juillet.
Dans la soirée, des concerts de klaxons ont salué l'annonce de la victoire de M. Ghazouani sur les principales artères de Nouakchott, où des embouteillages se sont formés, quelques heures après des incidents entre manifestants et policiers dans la capitale et à Nouadhibou.
Parallèlement, les quatre candidats de l'opposition étaient convoqués par le ministre de l'Intérieur Ahmedou Ould Abdallah, qui leur a demandé d'appeler au calme, selon les intéressés.
Lors d'une conférence de presse conjointe très tard dans la nuit de dimanche à lundi, ils ont affirmé avoir expliqué au ministre que M. Ghazouani avait semé le trouble par l'annonce de sa victoire, à partir des résultats de 80% des bureaux de vote, au terme d'une veillée électorale en présence du président sortant.
"Vous avez des pyromanes qui nous demandent de jouer aux sapeurs-pompiers", a résumé Baba Hamidou Kane.
'Droit constitutionnel' à manifester
L'opposition, qui crie depuis des mois aux risques de perpétuation d'un régime "militaire" et de fraude, a qualifié de "nouveau coup d'Etat" de ces deux anciens généraux putschistes la revendication de la victoire alors que les résultats étaient encore partiels et en cours de compilation.
"Nous allons organiser des manifestations de protestation, c'est notre droit constitutionnel", a déclaré Mohamed Ould Moloud, insistant sur leur caractère "pacifique".
Ces manifestations débuteront lundi après-midi, par une marche des quatre candidats de l'opposition qui iront à la Céni "porter officiellement leur protestation et le rejet des résultats", a précisé M. Kane.
Lors d'une précédente conférence de presse conjointe dimanche, M. Ould Abeid a aussi appelé ses concitoyens à "résister dans les limites de la loi à ce énième coup d'Etat contre la volonté du peuple".
M. Ould Abdel Aziz a stabilisé la Mauritanie, frappée dans les années 2000 par des attentats jihadistes et des enlèvements d'étrangers, en menant une politique volontariste: remise sur pied de l'armée, surveillance accrue du territoire et développement des zones reculées.
Mais les critiques se focalisent sur les droits fondamentaux, dans une société marquée par des disparités persistantes entre communautés arabo-berbère, haratine (descendants d'esclaves de maîtres arabo-berbères, dont ils partagent la culture) et afro-mauritanienne, généralement de langue maternelle d'ethnies subsahariennes.
La croissance économique, de 3,6% en 2018, bien qu'en amélioration, avec des projections de croissance annuelle de 6,2% en moyenne en 2019-2021, reste insuffisante par rapport à la démographie, selon la Banque mondiale (BM), qui appelle à libérer le secteur privé.