Dans une salle pleine à craquer, entre avocats, journalistes et observateurs divers, Me Toussaint Ekombe a appelé la Cour à "annuler les résultats provisoires de l'élection présidentielle proclamés par la Céni", la Commission électorale, a constaté une journaliste de l'AFP.
L'avocat a affirmé que M. Fayulu était le véritable vainqueur de l'élection présidentielle, et avait réuni 8.648.635 voix selon la compilation des résultats établie par son camp.
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Il a demandé à la Cour d'ordonner un "recomptage des voix". "La Cour devra rectifier le résultat erroné publié par la Céni et proclamer M. Fayulu définitivement élu", a-t-il encore réclamé.
Les avocats de M. Tshisekedi et de la Céni ont au contraire demandé à la Cour de confirmer les résultats. Et le parquet a plaidé pour que la Cour déclare le recours "irrecevable", la charte du regroupement politique de M. Fayulu ne lui donnant pas "le pouvoir d'agir en justice".
M. Fayulu conteste les résultats provisoires publiés par la Céni proclamant M. Tshisekedi vainqueur de la présidentielle avec 38,57% des voix et le créditant de la deuxième place avec 34,8% des suffrages.
Il dénonce un "putsch électoral" du président sortant, Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, avec la "complicité" de M. Tshisekedi, et revendique la victoire avec 61% des voix.
Fuite de documents
Plus haute juridiction du pays, la Cour constitutionnelle est notamment chargée de trancher les contentieux électoraux. Elle a huit jours pour rendre sa décision à partir du dépôt, le 11 janvier, du recours de M. Fayulu.
M. Fayulu s'appuie sur les conclusions de l'influente Église catholique. Affirmant avoir déployé 40.000 observateurs le jour du scrutin, celle-ci a mis en doute le résultat annoncé et souhaité que le Conseil de sécurité de l'ONU demande à la Céni la publication des procès-verbaux de la présidentielle.
Des milliers de documents ont fuité mardi vers des médias étrangers, le Financial Times, TV5 Monde et Radio France internationale (RFI), qui prouveraient que M. Fayulu est le véritable vainqueur de la présidentielle.
Ces données, attribuées à la Céni, par l'intermédiaire d'un lanceur d'alerte, et à l’Église, montreraient que M. Fayulu a obtenu entre 59,4% et 62,8% des voix. Dans le premier cas, elles porteraient sur 86% des suffrages exprimés, et dans le second 43%.
Lire aussi : Contentieux électoral : début d'examen mardi par la Cour constitutionnelleLes médias concernés insistent sur la corrélation étroite entre ces résultats, mais ne cachent pas que les données présentées comme provenant de la Céni sont aussi passées par les mains de proches de M. Fayulu.
Les avocats de M. Fayulu espèrent obtenir l'invalidation des résultats de la Céni et un recomptage. Leur marge de manœuvre est cependant étroite, car ils doivent en même temps éviter une annulation pure et simple de l'élection, qui permettrait à M. Kabila de rester au pouvoir jusqu'à ce qu'un nouveau scrutin puisse être organisé.
Dans tous les cas de figure, le président, qui contrôle les services de sécurité et les richesses minérales (cobalt, coltan, cuivre, diamant, or...) du pays, reste en position de force.
Le recomptage, "mesure extraordinaire"
Seul un recomptage, assez improbable, pourrait éventuellement perturber sa stratégie. Si la Cour constitutionnelle confirme la victoire de M. Tshisekedi, le camp présidentiel, qui a obtenu une large majorité aux législatives - jusqu'à 350 sièges sur un total de 500, selon ses dires -, sera chargé de désigner le Premier ministre, conformément à la Constitution.
M. Tshisekedi, qui obtiendrait une cinquantaine d'élus à la tête de la coalition Cap pour le changement (Cach), devrait ainsi être contraint à une cohabitation avec les partisans de M. Kabila.
Les deux principaux opposants s'accordent à voir dans les résultats des législatives, incompatibles pour eux avec ceux de la présidentielle, une nouvelle manipulation de la Céni au service de M. Kabila.
Lire aussi : La SADC tempère ses appels à un recomptage des voixLe parti de M. Tshisekedi, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), s'est dit prêt à accepter un recomptage s'il est décidé par la Cour. Selon la loi électorale, le recomptage des voix constitue une "mesure extraordinaire", qui relève "du pouvoir d'appréciation du juge".
Les neuf juges de la Cour constitutionnelle sont largement considérés comme acquis à M. Kabila. Plusieurs sont ses anciens alliés politiques, comme son ex-conseiller juridique Norbert Nkulu Kilombo. Le président de la Cour, Benoît Luamba Bindu, est aussi l'un de ses proches.
Le camp Fayulu ne se fait pas d'illusion sur son impartialité, mais rêve sans trop y croire d'un scénario kényan. En 2017, la Cour suprême kényane avait invalidé le résultat de l'élection présidentielle, une première en Afrique.
"L'ensemble du peuple congolais n'a pas la moindre confiance en cette Cour constitutionnelle", a convenu M. Puela, tout en expliquant que le choix a été fait de suivre cette voie "parce que nous sommes légalistes, parce que la plupart des partenaires internationaux nous ont dit: 'Suivez la procédure quand même'".