La CPI se prononce vendredi contre Jean-Pierre Bemba pour crimes de guerre

L'ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba dans la salle d'audience de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye le 21 juin 2016.

La Cour pénale internationale (CPI) doit se prononcer sur le verdict et la peine en appel contre l'ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba, condamné en première instance à 18 ans de prison pour crimes de guerre.

Riche homme d'affaires devenu chef de guerre, Jean-Pierre Bemba, 55 ans, a interjeté appel en juin 2016 du jugement de la CPI le reconnaissant responsable de la vague de meurtres et de viols commis par sa milice, le Mouvement de libération du Congo (MLC), dans la République centrafricaine voisine entre octobre 2002 et mars 2003.

En cinq mois, quelque 1.500 hommes du MLC ont tué, pillé et violé en Centrafrique, où ils s'étaient rendus pour soutenir le président Ange-Félix Patassé face à une tentative de coup d'Etat menée par le général François Bozizé.

>> Lire aussi : La CPI confirme la condamnation de Bemba pour subornation de témoins

D'après les juges, l'accusé "a dirigé une ample attaque contre la population civile" durant laquelle "des familles entières ont été prises pour cibles".

La chambre avait souligné la "cruauté particulière" de ces crimes contre des victimes "particulièrement vulnérables". Certaines ont été violées de façon répétée par vingt soldats. D'autres tuées à bout portant pour avoir refusé de céder une moto ou un mouton.

"Responsabilité du commandant"

M. Bemba, qui en avait connaissance, "a échoué à prendre toutes les mesures nécessaires et responsables pour éviter que ces crimes ne soient commis par ses subordonnés ou les réprimer", avait souligné la Cour, ne lui trouvant aucune circonstance atténuante.

Son procès, qui s'est ouvert à La Haye en novembre 2010, était le premier de la CPI ciblant les viols et violences sexuelles comme crimes de guerre et mettant en avant la responsabilité d'un commandant militaire quant à la conduite des troupes sous son contrôle.

La peine de 18 ans d'emprisonnement est la plus lourde jamais imposée par cette juridiction fondée en 2002 pour juger les pires crimes commis à travers le monde.

>> Lire aussi : Verdict du procès Bemba pour subornation de témoins attendu à la CPI le 8 mars

La procureure Fatou Bensouda y a vu "un signe très fort aux commandants: ils seront tenus responsables pour les crimes que leurs troupes ont commis sur le terrain, particulièrement quand ils avaient la capacité et le contrôle d'y mettre fin et ne l'ont pas fait".

Interjetant appel, l'avocat de la défense Peter Haynes a qualifié le procès de "déséquilibré" et d'"injuste" et accusé les juges d'avoir choisi d'ignorer un grand nombre de preuves présentées par son équipe.

Les "conclusions des juges sur un contrôle effectif sont éloignées de la doctrine et pratique militaire", d'après la défense, pour qui la chambre "a inventé une théorie de responsabilité du commandant qui est une impossibilité militaire".

Subornation de témoins

Dans une affaire annexe, Jean-Pierre Bemba a été condamné en mars 2017 à un an de prison et 300.000 euros d'amende pour subornation de témoins dans le cadre de son principal procès pour crimes de guerre. Une peine qu'il avait contestée.

Mais en mars, la CPI avait rejeté les douze motifs de son appel et ordonné la révision des peines prononcées dans cette seconde affaire.

Fils d'un riche homme d'affaires proche de l'ancien dictateur Mobutu Sese Seko, le colosse de 1,90 mètre au visage rond était autrefois un géant de la scène politique et économique congolaise.

>> Lire aussi : L'avocat de Jean-Pierre Bemba accuse les juges de la CPI de manquer d'impartialité

Son aventure militaire commence en 1998, un an après avoir quitté brusquement la capitale à la suite de la prise du pouvoir par le chef rebelle Laurent-Désiré Kabila et l'emprisonnement de son père, Jeannot Bemba.

Soutenu par l'Ouganda, celui qui était surnommé le "Mobutu miniature" crée et dirige le MLC. Ce mouvement rebelle règnera en maître dans la région de l'Équateur et une partie du nord-est du pays.

A la fin de la deuxième guerre du Congo (1998-2003), il obtient un des quatre postes de vice-président dans le cadre d'une transition politique dirigée par Joseph Kabila, qui a accédé à la tête de l'État à la mort de son père en 2001.

Battu par M. Kabila à la présidentielle de 2006 après un entre-deux-tours émaillé de violences, il est élu sénateur.

L'enfant chéri de Kinshasa, où il avait obtenu 70% des suffrages, avait été arrêté à Bruxelles en mai 2008, en vertu d'un mandat d'arrêt de la CPI.

Avec AFP