Après le neveu du président, Wilfrid Nguesso, en mars, les juges d'instruction parisiens ont mis en examen mardi Julienne Sassou Nguesso et son mari Guy Johnson, pour les mêmes faits de "blanchiment de détournement de fonds publics", a appris dimanche l'AFP de sources proches du dossier.
Propriétés dans les beaux quartiers de la capitale, dépenses somptuaires, voitures de luxe: depuis 2010, des magistrats financiers tentent de déterminer si les fortunes de trois familles présidentielles, celles de Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville), Teodoro Obiang Nguema (Guinée équatoriale) et feu Omar Bongo (Gabon), ont pu être bâties sur le territoire français grâce à des deniers publics détournés de ces pays.
Dix ans après les premières plaintes d'associations anticorruption, l'affaire dite des "biens mal acquis" a inauguré son premier procès lundi dernier devant le tribunal correctionnel de Paris où le vice-président équato-guinéen et fils du président, Teodorin Obiang, est jugé, en son absence, notamment pour blanchiment de détournement de fonds publics.
"Au moment où on s'approche de l'épilogue du volet Obiang, on s'approche de l'ouverture d'un procès du clan Sassou Nguesso", a estimé William Bourdon, avocat de l'association anti-corruption Transparency International dont la plainte avait déclenché l'ouverture de l'instruction.
"Cette affaire qui dure depuis dix ans sera annulée par des procédures tout à fait légales", a balayé l'avocat du président congolais Jean-Marie Viala, joint par l'AFP.
En février 2016, il avait contre-attaqué en annonçant avoir déposé plainte en France au nom du dirigeant, à la tête du petit État forestier depuis 33 ans. Selon l'avocat, les pièces sur lesquelles est fondée cette enquête "ne sont pas conformes à la réalité".
Circuits financiers
Julienne Sassou Nguesso, 50 ans, était agent d'assurance de profession, Guy Johnson, 53 ans, est juriste. Les enquêteurs s'interrogent sur l'origine des fonds qui ont permis au couple d'acheter en 2006, via une société civile immobilière (SCI), un hôtel particulier de la banlieue huppée de Paris, à Neuilly-sur-Seine, avec sept pièces et piscine intérieure, selon une source proche du dossier.
A cet investissement d'un peu plus de 3 millions, s'est ajoutée une facture de 5,34 millions d'euros pour d'importants travaux réalisés entre 2007 et 2011.
Les enquêteurs, qui s'appuient sur des signalements de la cellule de lutte contre le blanchiment du ministère français de l'économie et des finances (Tracfin), se sont intéressés à des mouvements financiers entre des banques de San Marin et des sociétés étrangères.
D'après les investigations, plusieurs dizaines de millions d'euros en provenance d'entités publiques du Congo-Brazzaville auraient été transférés depuis 2007 sur les comptes de diverses sociétés offshores basées aux Seychelles, à l'Ile Maurice ou à Hong Kong, soupçonnées d'alimenter ensuite en partie le train de vie de certains membres du clan présidentiel, selon une source proche du dossier.
Les enquêteurs pensent que le couple aurait financé une partie des travaux par le biais d'une société seychelloise alimentée par le fruit de la vente des parts détenues par Julienne Sassou-Nguesso dans une société de télécommunications, qui serait liée à des "opérations de corruption", selon la même source.
Ils s'interrogent aussi sur le rôle du gendre du président, apparu comme le gérant d'une SCI qui avait acquis en 2007 pour quelque 19 millions d'euros un hôtel particulier dans un arrondissement cossu de Paris. Des parts en étaient notamment détenues par le clan d'Omar Bongo ainsi que son épouse Édith Lucie Bongo Ondimba, aujourd'hui décédée, qui était la fille aînée du dirigeant congolais.
La justice a déjà saisi plusieurs propriétés du clan des Sassou Nguesso ainsi qu'une dizaine de voitures de luxe.
Avec AFP