Sa nomination ne faisait plus aucun doute depuis que sa rivale, la sortante canadienne Michaëlle Jean, avait perdu ses deux plus importants soutiens: le Canada et le Québec. Ces deux piliers de la francophonie, qui en sont, à eux deux, le deuxième bailleur de fonds, ont été contraints de renoncer face à la multiplication des pays se ralliant au Rwanda.
La France d'abord, premier bailleur de fonds de l'OIF, où la candidature de Mme Mushikiwabo a été annoncée lors d'une conférence conjointe entre les présidents rwandais Paul Kagame et français Emmanuel Macron, à tel point que beaucoup y ont vu un dossier téléguidé par Paris. L'Afrique ensuite, après le soutien de l'Union africaine, présidée cette année par le même Paul Kagame.
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Cette offensive diplomatique a eu raison de sévères critiques que la candidature du Rwanda avait suscitées, d'abord sur les droits de l'Homme. Paul Kagame, qui en est déjà à son troisième mandat, remporté avec un score mobutesque de 98%, a fait changer la Constitution pour rester au pouvoir jusqu'en 2034. Sur la langue ensuite: le Rwanda a remplacé en 2008 le français par l'anglais en tant que langue obligatoire à l'école, avant de rejoindre le Commonwealth, pendant anglophone de l'OIF, un an plus tard. C'est d'ailleurs en anglais que Paul Kagame avait annoncé la candidature de sa ministre.
Le Rwanda "mène depuis des années une politique hostile à la langue française", accuse Pierre-André Wiltzer, ancien ministre français de la Coopération et de la Francophonie (2002-2004).
"Proposer maintenant une ministre du Rwanda pour diriger l'Organisation de la Francophonie est un message très négatif pour tous les francophones de la planète", ajoute-t-il, insistant : "Le Rwanda est loin d'avoir un régime politique respectueux des libertés individuelles et politiques, alors que la Charte de la Francophonie place ces principes en tête de ses valeurs fondamentales".
Dans un discours qui sonnait comme un baroud d'honneur, prononcé jeudi au premier jour du sommet, Michaëlle Jean a ainsi dénoncé "les petits arrangements entre États", sans citer l'OIF. "Sommes-nous prêts à accepter que les organisations internationales soient utilisées à des fins partisanes?", s'est-elle interrogée dans une allusion à peine voilée.
Lire aussi : Grincements de dents en Afrique face à l'interventionnisme de Paris au sommet de l'OIFRécemment, Mme Mushikiwabo avait dénoncé une "étiquette collée" au Rwanda, affirmant que "la majorité des Rwandais (étaient) contents du système démocratique".
L'intronisation de Mme Mushikiwabo consacre le "retour" de l'Afrique à la tête de l'OIF, qui avait toujours été dirigée par des Africains avant Mme Jean, et sa consécration en tant que locomotive de la francophonie.
En vertu de son explosion démographique, l'Afrique, continent sur lequel se trouvent 27 des 54 membres de l'OIF ayant droit de vote, représentera 85% des francophones en 2050, sur un total de 700 millions, contre 274 aujourd'hui, selon l'OIF.
"L'épicentre de la langue française, de nos langues françaises, est sans doute dans le bassin du fleuve Congo ou quelque part dans la région", a ainsi répété Emmanuel Macron, fidèle à ce qui est devenu un mantra chez lui.
Lire aussi : Ottawa et Québec lâchent la présidente de la FrancophonieLa France compte sur la nouvelle secrétaire générale pour "provoquer une sorte d'électrochoc" au sein d'une OIF "considérée comme très lointaine" de la jeunesse africaine, "la principale cible de la Francophonie", souligne-t-on dans l'entourage de M. Macron, précisant compter sur le "dynamisme" de Mme Mushikiwabo, ministre très respectée, ainsi que sur son "leadership naturel".
La victoire du Rwanda, pays plurilingue, consacre la stratégie inclusive d'Emmanuel Macron, qui entend défendre le français sans l'opposer aux autres langues. Le "combat fondamental pour notre langue est un combat pour le plurilinguisme (...) Le français est devenu une langue du monde, il n'écrase pas les autres langues mais s'en nourrit", a-t-il répété dans son discours au sommet.
Avec AFP