La grève des transporteurs camerounais menace le ravitaillement de Bangui

La Centrafrique, l'un des pays les plus pauvres du monde, est largement dépendante des importations, dont 40,2% provenaient du Cameroun en 2022.

Au marché Boy-Rab à Bangui, 1.000 FCFA (1,52 euros) ne suffisent plus pour un sachet de café, du savon et du sucre depuis que les transporteurs camerounais sont en grève après la mort brutale d'un chauffeur la semaine dernière sur les routes centrafricaines.

"En l'espace de 24h certaines denrées comme le sucre et l'huile qu'on achète souvent pour le petit déjeuner ont grimpé beaucoup trop vite", peste amèrement Grâce-à-Dieu Ndomoyando, 30 ans, avant de renoncer à ses achats.

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"Depuis cet incident avec les chauffeurs camerounais les denrées sont difficiles voire impossible à trouver, si par chance nous les boutiquiers arrivons à en trouver c'est à un coût très exorbitant", justifie Magloire Guerematchi, 27 ans, propriétaire de l'échoppe.

Une palette de savon qui coutait 5.500 FCFA (8,38 euros) il y a quelques jours peut désormais atteindre 6.350 FCFA (9,68 euros). D'autres produits essentiels comme le sucre et l'huile ont aussi fortement augmenté. "Pour se faire du profit, il faudrait réduire les quantités et augmenter les prix car nous aussi on doit pouvoir subvenir aux besoins de nos familles", ajoute le commerçant. Il dit déjà ressentir les pertes économiques que cela engendre dans sa boutique. "Cela impacte non seulement nos bénéfices, mais aussi notre capacité à maintenir nos stocks", dit-il.

Axe vital

Enclavée au coeur de l'Afrique centrale, la Centrafrique, l'un des pays les plus pauvres du monde, est largement dépendante des importations, dont 40,2% provenaient du Cameroun en 2022, d'après les chiffres de l'International trade center. Située à la frontière avec le Cameroun, Garoua Boulaï, à 725 km à l'ouest de Bangui, est la plaque tournante de l'axe reliant la capitale centrafricaine et Douala, grand port et capitale économique du Cameroun. Une route vitale pour l'approvisionnement en marchandises en provenance du Cameroun, du Nigeria et du Tchad.

Depuis l'annonce de la mort par balles d'un transporteur camerounais à Bogoin, à 166 km au nord-est de Bangui, sur le "corridor" menant à Douala, les chauffeurs camerounais refusent de continuer la route en Centrafrique.

"Les camions sont chargés mais ils sont à l'arrêt" car les chauffeurs "ont peur pour leur sécurité", explique au téléphone à l'AFP Hamadou Djika, au nom de l'intersyndicale des transporteurs camerounais qui a déposé un préavis de grève vendredi dernier.

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Les chauffeurs routiers camerounais réclament une enquête sur la mort de leur collègue, dénonçant un "assassinat" perpétré selon eux par les paramilitaires russes de Wagner, présents en Centrafrique depuis 2018. Ils exigent que les Etats camerounais et centrafricain s'accordent pour garantir la sécurité de leurs trajets.

Au téléphone depuis Garoua-Mboulaï, Maxime Molako, un chauffeur centrafricain qui fait régulièrement le trajet entre Bangui et Garoua-Mboulaï, "compatit" avec ses collègues camerounais en grève. "Il est essentiel de trouver un équilibre qui assure la sécurité de tous et permette une circulation fluide des marchandises" espère t-il. "Nous espérons que cette grève ne va pas prendre de l'ampleur, sinon il y aura plusieurs produits que nous ne pourrons plus proposer, comme le riz et l'huile", car "nous ne produisons rien ici", commente Magloire Guerematchi derrière son comptoir.

Conflits armés

En 2015, les camionneurs centrafricains et camerounais avaient déjà cessé leurs activités pour protester contre les attaques de groupes armés en Centrafrique, et le pays avait connu pénuries et flambée des prix. En 2021, plusieurs centaines de camions étaient restés bloqués à la frontière camerounaise pendant 50 jours à la suite d'un blocus imposé par des groupes rebelles. Bangui n'avait connu aucune pénurie grave, mais les prix des denrées de base y avaient considérablement augmenté.

La Centrafrique, où selon la Banque mondiale 71% des plus de 6 millions d'habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté, a été secouée par une succession de guerres civiles, coups d’État et régimes autoritaires depuis son indépendance de la France en 1960, est en proie à des guérillas multiformes menées par des groupes armés.

Fin 2020, l'ancien président François Bozizé, à la tête d'une nouvelle alliance rebelle, la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), avait menacé le pouvoir du président Faustin Archange Touadéra avant que l'envoi par Moscou de centaines de paramilitaires de la société privée Wagner ne permette au pouvoir de repousser ses combattants loin de Bangui.

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Les conflits ont depuis baissé en intensité mais des poches de violences subsistent notamment dans le sud-est et le nord-ouest. Les ripostes de l'armée centrafricaine et de leurs alliés de Wagner concourent également à l'éclatement des groupes rebelles qui, déstabilisés dans leurs bastions, se déploient en unités restreintes pour mener des attaques sur les axes routiers et les sites miniers.