A neuf mois, Maria Faratiana "est trop petite par rapport aux enfants de son âge", déplore sa mère, Colette Razanamaro.
La fillette ne pèse que "six kilos pour 60 cm, au lieu des huit kilos ou plus et 70 cm pour les enfants de son âge", explique-t-elle dans la cour d'un des centres de nutrition d'Antananarivo, où les enfants reçoivent notamment du "plumpy sup", une pâte énergétique à base d'arachides et à haute teneur en protéines.
Ce retard de croissance peut compromettre l'avenir de Maria. Si aucune mesure n'est prise avant les deux ans de la fillette, "les dégâts sur le développement de son cerveau seront irréversibles", prévient le docteur Siméon Nanama, responsable nutrition pour l'Unicef à Madagascar.
Maria est loin d'être un cas isolé. Madagascar est "le quatrième pays au monde avec la plus forte prévalence de malnutrition chronique", qui se détecte en comparant la taille et l'âge de l'enfant, poursuit Siméon Nanama.
"Environ 2 millions d'enfants malgaches sont affectés" par cette forme de malnutrition qui se développe lentement, en l'absence d'alimentation équilibrée, ajoute-t-il.
Les conséquences à l'échelle du pays sont gigantesques. Faute d'avoir été pris en charge pendant les deux premières années de leur vie, "la moitié des enfants ne vont pas pouvoir bien étudier et produire convenablement pour le pays", s'inquiète Holy Raobelina, coordinatrice de l'Office national de nutrition à Madagascar, l'organisation gouvernementale chargée de la lutte contre la malnutrition.
Selon une étude de l'Unicef, Madagascar perd chaque année, en terme de productivité économique, "700 millions de dollars à cause de la malnutrition", affirme le docteur Siméon Nanama.
- Ultra dépendance vis-à-vis du riz -
Pour l'Unicef, le problème pourrait être réglé en dix ans, à condition de débloquer 400 millions de dollars.
Une somme destinée notamment à fournir des suppléments alimentaires aux enfants malnutris, mais aussi pour sensibiliser la population, surtout les mères, à la nécessité de diversifier l'alimentation.
Le jeu en vaut la chandelle selon l'Unicef: "En investissant un dollar, on aurait un retour sur investissement de près de sept dollars", affirme Siméon Nanama.
En dehors de la partie sud de la Grande Ile, "il y a de quoi manger à Madagascar", assure Holy Raobelina. "Nous mangeons trois fois par jour, mais on ne mange pas comme il faut pour répondre aux besoins de mes enfants", reconnaît Colette Razanamaro, la mère de Maria Faratiana.
Le problème de la malnutrition chronique à Madagascar réside dans la trop grande dépendance de la population vis-à-vis du riz, selon plusieurs experts.
"L'ambition d'une mère malgache, c'est de faire de son enfant un grand mangeur de riz, alors que le riz est la plus pauvre des céréales", constate Mieja Vola Rakotonarivo, directrice de Nutrizaza, une entreprise malgache à vocation sociale spécialisée dans la fabrication d'aliments à bas prix pour bébé.
Devant l'ampleur de la tâche, le gouvernement planche sur une nouvelle politique nationale de nutrition.
"La malnutrition chronique est un phénomène complexe" nécessitant "une intervention multidisciplinaire, du secteur de la santé en passant par l'agriculture et l'éducation", souligne Holy Raobelina, pour qui la diversification de l'agriculture malgache est un élément clé.
Avec AFP