La Commission électorale nationale indépendante (Céni) chargée de la proclamation des résultats a confirmé qu'elle ne pouvait rien annoncer au moment de la date-butoir de ce dimanche qu'elle avait elle-même fixée.
"Nous demandons à l'opinion nationale de garder patience", a prévenu le président de la Céni, Corneille Nangaa, sans avancer aucune autre date. "Ce que nous gérons c'est sensible", a-t-il ajouté.
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Trois candidats sont en course pour succéder au président Kabila: son héritier qui a le total soutien de l'appareil d'Etat et des forces de sécurité, l'ex-ministre de l'Intérieur, Emmanuel Ramazani Shadary, et deux opposants, Martin Fayulu et Félix Tshisekedi.
Le président de la Céni est invité à donner des résultats sans tricher par la puissante Conférence épiscopale, qui a formé la principale mission d'observation électorale.
La Conférence épiscopale a renvoyé M. Nangaa à sa "responsabilité" en cas de "soulèvement de la population" s'il n'annonce pas des résultats "conformes à la vérité des urnes".
Lire aussi : L'Afrique, l'Amérique et l'Europe veulent la vérité des urnesLa conférence épiscopale affirme même connaître le nom du vainqueur grâce à ses 40.000 observateurs dans les bureaux de vote dimanche dernier.
Très confiante, la coalition autour du candidat d'opposition Martin Fayulu a aussi mis en garde M. Nangaa "contre toute tentative de modifier les résultats affichés devant les bureaux de vote".
Des pressions sont également venus des Etats-Unis, qui ont menacé les responsables congolais de sanctions financières.
Dénonçant "des diplomates qui s'évertuent à nous menacer", M. Nangaa a à son tour mis en garder "ceux qui pensent qu'ils peuvent influencer la décision de la Céni".
"Non. La Céni va annoncer des résultats conformément à la loi", a-t-il déclaré - sans reprendre le terme "conformément à la vérité des urnes" très entendu ces jours-ci.
Cause officielle du retard des résultats: leur lente remontée depuis les bureaux de vote vers la Céni. "Le taux de traitement qui était de 20% le 3 janvier, est à ce jour à 53%", selon M. Nangaa.
Troupes US
Par crainte de troubles, le président américain Trump a fait savoir qu'il avait positionné 80 éléments des forces armées au Gabon, à une heure trente de vol de Kinshasa, officiellement pour protéger les intérêts américains en RDC.
Ces troupes disposent "d'équipements de combat appropriés" et d'autres pourraient être déployés au besoin au Gabon, au Congo-Brazzaville et même en RDC, ajoute M. Trump. Ces forces "resteront dans la région jusqu'à ce que la situation en RDC devienne telle que leur présence n'est plus nécessaire".
"C'est bon pour nous, ça fait monter la pression", se félicite-t-on dans l'entourage de l'opposant Fayulu.
Le président Kabila a renoncé à briguer un troisième mandat interdit par la Constitution. Une première pour un dirigeant congolais.
"Bicéphalisme problématique"
Un observateur averti estime que l'élection congolaise présente des enjeux historiques pour toute l'Afrique centrale où les alternances sont rarissimes : "Le respect du vote des électeurs, ne plus opposer stabilité et démocratie alors qu'elles sont complémentaires, cesser de penser que l'Afrique ne serait pas mûre pour la démocratie...".
Spécialiste de l'Afrique centrale, le chercheur français Thierry Vircoulon ne se fait aucune illusion: quoi qu'il arrive, c'est le dauphin du pouvoir, Emmanuel Ramazani Shadary, qui va être proclamé vainqueur par la Céni.
Une fois président, il devra cohabiter avec son prédécesseur Kabila, à qui la Constitution réserve un siège de sénateur à vie.
"L'importance des élections du 30 décembre 2018 ne réside donc pas dans l'alternance présidentielle tant attendue mais dans la possible création par ceux qui veulent prolonger leur pouvoir d'un bicéphalisme problématique et incertain", a écrit M. Vircoulon dans un article récent.
Lire aussi : Les Etats-Unis positionnent 80 militaires au GabonL'expert envisage plusieurs scénarios, jusqu'au renversement de Ramazani Shadary par Joseph Kabila s'il s'émancipe trop vite.
Les habitants de Beni et Butembo dans le Nord-Kivu (Est) ont en tous cas célébré la victoire de l'opposant Martin Fayulu samedi soir, d'après des témoins. Rien d'officiel cependant: ils n'avaient organisé qu'un vote symbolique après que le scrutin eut été annulé dans leur région, officiellement pour cause d'épidémie d'Ebola et d'attaques d'un groupe armé.