Deux jours après la Chambre des représentants, le Sénat a adopté jeudi à la quasi unanimité (98 contre deux) un projet de loi dénoncé par Moscou mais aussi critiqué dans l'Union européenne parce qu'il risque d'affecter les entreprises européennes et à long terme ses approvisionnements en gaz russe.
S'il revient désormais à Donald Trump de décider s'il entérine ou non cette position dure envers la Russie, le ministère russe des Affaires étrangères a pris sans attendre des mesures de rétorsion.
Ce dernier a en effet demandé à Washington de réduire, à partir du 1er septembre, à 455 les effectifs du personnel de son ambassade et de ses consulats en Russie et a suspendu l'utilisation par l'ambassade des Etats-Unis d'une résidence en périphérie de la capitale russe et d'entrepôts.
Une telle réduction revient à ramener le personnel des représentations diplomatiques américaines au même niveau que celui du personnel des représentations russes aux Etats-Unis, a précisé le ministère, qui se "réserve le droit" de prendre de nouvelles mesures visant "les intérêts" américains.
"Les derniers événements témoignent du fait que la russophobie et la recherche de la confrontation sont bien ancrées dans certains cercles bien connus aux Etats-Unis", a expliqué le ministère russe.
Les élus américains veulent en premier lieu infliger des représailles à la Russie après une campagne de désinformation et de piratage attribuée à ce pays pendant l'élection présidentielle américaine de novembre. L'annexion en 2014 de la Crimée et les ingérences en Ukraine sont les autres motifs de punition avancés.
Le président ukrainien Petro Porochenko s'est en revanche félicité du vote du Sénat qui marque selon lui un soutien face à l'"agresseur" russe.
Le texte sanctionne aussi l'Iran et la Corée du Nord, ce qui a poussé Pékin à avertir que la Chine s'opposerait "résolument" à toute mesure portant atteinte à "ses intérêts".
- Risque d'humiliation -
La réduction de la présence américaine annoncée vendredi avait déjà été envisagée en décembre dernier. Il s'agissait alors de répondre à l'expulsion décidée par Barack Obama de 35 personnes considérées comme des membres des services de renseignement russes et à la fermeture de deux sites russes à New-York et dans l'Etat du Maryland, près de Washington, considérés comme des bases utilisées par des agents russes.
Vladimir Poutine avait finalement alors choisi de ne pas répliquer à ces mesures, prises moins d'un mois avant l'entrée dans ses fonctions de Donald Trump.
En théorie, ce dernier, qui tente d'améliorer les relations avec la Russie au grand dam de nombre d'élus, peut mettre son veto au projet du Congrès mais ce serait une solution de courte durée.
Il suffirait en effet au Congrès de revoter le texte à la majorité des deux tiers pour surmonter ce refus. En général, les présidents s'épargnent cette humiliation.
Le texte prévoit aussi un mécanisme inédit qui déplaît à la Maison Blanche : les parlementaires s'arrogent le droit de s'interposer si jamais Donald Trump décidait de suspendre des sanctions existantes contre la Russie.
En visite en Finlande jeudi, Vladimir Poutine avait prévenu que Moscou devrait répondre à "l'insolence" des Etats-Unis.
"Nous voyons tout simplement une montée de l'hystérie antirusse", avait-il souligné, ajoutant : "C'est très triste que les relations russo-américaines soient sacrifiées" à des fins de politique intérieure.
La veille, c'était l'Union européenne qui avait mis en garde l'allié américain, craignant que ces sanctions ne pénalisent les entreprises énergétiques européennes, ne menacent l'approvisionnement européen en énergie et ne divisent davantage les pays occidentaux.
De fait, cette mesure unilatérale fissure aussi l'unité affichée entre les Etats-Unis et l'Union européenne face Moscou depuis l'annexion de la Crimée.
Jusqu'à présent, le régime des sanctions imposées à la Russie liées au rattachement unilatéral de cette presqu'île ukrainienne était coordonné des deux côtés de l'Atlantique, de façon à faire bloc.
Avec AFP