Après plus d'un an passé à 370 mètres de profondeur, le petit chalutier a encore sa coque d'un bleu vif selon les images transmises par la marine italienne. L'épave est arrivée dans la matinée dans la rade d'Augusta, dans l'est de la Sicile.
Il doit être placé dans un grand hangar réfrigéré spécialement installé sur une base de l'Otan à Melilli, près d'Augusta. Les pompiers, en combinaison et masque à gaz, auront la lourde tâche d'extraire les centaines de corps encore coincés dans ses entrailles.
Dans la nuit du 18 au 19 avril 2015, le chalutier surchargé avait sombré après avoir percuté un cargo portugais venu à son secours. Il n'y a eu que 28 survivants. Ils ont raconté avoir été plus de 800 à bord au départ, ce qui fait de ce naufrage le pire en Méditerranée depuis des décennies.
En plus de la cinquantaine de corps de victimes repêchés le jour du drame, la marine a récupéré plus de 169 corps sur et autour de l'épave. Selon l'amiral Pietro Covino, la taille du bateau laisse "espérer" qu'il renferme entre 300 et 350 cadavres, pas beaucoup plus.
"Ce bateau contient des histoires, des visages, des personnes, pas seulement un nombre de cadavres", a souligné le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, jeudi matin sur Facebook.
C'est lui qui avait promis, dès le lendemain du naufrage, que la marine irait rechercher l'épave pour offrir une sépulture aux victimes et rappeler à l'Europe "quelles sont les valeurs qui comptent vraiment".
L'entreprise a coûté 9,5 millions d'euros, financés par le bureau de M. Renzi et les différentes institutions italiennes qui ont mis personnel et ressources à disposition.
Il a d'abord fallu retrouver l'épave, qui gisait à 150 kilomètres au nord des côtes libyennes, puis préparer avec la société Impresub Diving and Marine Contractor une structure métallique capable de la soulever, dans un secteur marqué par de forts courants contraires.
"Merci à la marine, je suis fier d'être Italien", a lancé M. Renzi.
Corps décomposés
Ce sont maintenant les experts médico-légaux qui vont entrer en action, pour tenter de donner un nom aux victimes en relevant toutes les données possibles, et en particulier les empreintes ADN.
Une vingtaine d'universités de toute l'Italie doivent participer à ces efforts d'identification,, dans l'espoir d'aider les proches à retrouver la trace de leurs défunts.
"Après un an, les corps ne sont pas très reconnaissables. Mais cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas identifiables. Ils sont décomposés, mais ils sont identifiables", a assuré en conférence de presse Cristina Cattaneo, médecin-légiste qui a déjà dirigé des opérations de ce type, à moindre échelle évidemment.
Une fois tous les relevés effectués, les corps seront enterrés dans divers cimetières siciliens. Le chalutier bleu qui aura été leur cercueil sera nettoyé et détruit.
Dans le même temps, le procès du tunisien Mohammed Ali Malek, accusé d'avoir été le capitaine du chalutier se poursuit à Catane, au nord d'Augusta. Le parquet a requis 18 ans de prison.
Si ce naufrage a marqué les esprits par le nombre de victimes, il n'est qu'un épisode de plus dans une macabre litanie : selon le Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), plus de 10.000 migrants ont perdu la vie en Méditerranée depuis 2014.
Et malgré le grand nombre de bateaux de secours patrouillant désormais au large de la Libye, les départs sont toujours aussi massifs et les drames se poursuivent : fin mai, une série de trois naufrages ont fait près de 900 morts en quelques jours.
Et jeudi matin, les gardes-côtes venus au secours d'un canot pneumatique qui prenait l'eau à 20 milles nautiques des côtes libyennes, par des vagues de 2 mètres et un vent de 30 noeuds, ont réussi à secourir 107 personnes mais ont retrouvé les cadavres de 10 femmes à bord.
Avec AFP