La Suède, submergée par l'afflux de migrants, rétablit ses contrôles frontaliers

Des migrants érythréens arrivent a l’aéroport Luela de Kallax, 9 octobre 2015

L'objectif affiché est d'endiguer le flux continu de migrants qui tend ses capacités d'accueil et crispe une opinion publique inquiète de devoir payer la facture.

Pour la première fois depuis son entrée dans l'Union européenne et l'espace Schengen en 1995, le royaume scandinave, qui s'enorgueillit de son statut de "superpuissance humanitaire" à l'étranger, va filtrer les entrées sur son territoire.

Ses voisins finlandais et danois, dont les politiques migratoires sont notoirement plus restrictives, se sont empressés de saluer un "tournant" censé permettre aux Etats nordiques de mieux accorder leurs politiques.

"Ce n'est pas un mur" que la Suède édifie à ses portes comme d'autres ont érigé des clôtures de barbelés, leur a répondu le Premier ministre suédois Stefan Löfven depuis La Valette où se tient un sommet des dirigeants européens et africains sur la crise migratoire.

Confronté à un afflux inédit de réfugiés depuis les guerres des Balkans dans les années 1990, la Suède, qui compte déjà plus de 20% de résidents d'origine étrangère, s'attend à recevoir jusqu'à 190.000 migrants cette année et 170.000 l'an prochain.

A l'échelle d'un pays comme l'Allemagne, cela équivaut à l'arrivée de 3 millions de personnes en deux ans.

"Nous sommes dans une situation difficile, la Suède a reçu de nombreux réfugiés, plus que tout autre pays rapporté à sa population", a fait valoir Stefan Löfven.

S'il conteste céder aux pressions de l'opposition de droite dont certains ténors réclament la fermeture pure et simple des frontières, le dirigeant social-démocrate fait face à la préoccupation croissante de la population.

Selon de récents sondages, une majorité relative de 4 Suédois sur 10 plaide pour une réduction du nombre de permis de séjour accordés au titre de l'asile, une proportion qui atteint 96% chez les sympathisants du parti d'extrême droite Les démocrates de Suède.

"Les gens sont inquiets du coût de l'immigration (...). Ils se demandent ce que leur réserve l'avenir, quels effets cela aura sur l'Etat-providence", analyse le politologue Magnus Hagevi.

Le gouvernement a annoncé jeudi 11 milliards de couronnes de crédits supplémentaires pour faire face à la situation, une rallonge entièrement financée par l'emprunt qui porte un nouveau coup de canif à l'orthodoxie budgétaire généralement observée par Stockholm.

Les contrôles en vigueur depuis jeudi 12H00 (11H00 GMT) sont concentrés sur les deux "autoroutes" de l'immigration vers la Suède: le pont de l'Öresund et les ferries en provenance des ports danois et allemands de la mer Baltique.

Les migrants tentant d'embarquer sur les bateaux sans papiers d'identité seront refoulés, de même que les migrants en transit vers la Norvège ou la Finlande et qui refusent de déposer une demande en Suède.

Pour les autres, le droit d'asile reste garanti même si "le gouvernement souhaite voir diminuer le nombre de personnes venant en Suède", admet le ministre de l'Intérieur Anders Ygeman.

Les contrôles sont prévus pour durer dix jours mais peuvent être reconduits pour une période de six mois maximum.

Très remontée contre certains partenaires européens qu'elle accuse de manquer à leur devoir de solidarité, la Suède veut s'arroger le quota de relocalisation de 54.000 migrants alloué à la Hongrie dans le cadre de l'accord européen récusé par Budapest.

Sans se prononcer sur ce point précis, le président français François Hollande a apporté son soutien à Stockholm jeudi depuis Malte.

"La Suède est le pays qui fait le plus d'efforts pour l'accueil des réfugiés et donc la Suède demande, et je peux la comprendre, que pendant un temps, et c'est prévu par les traités dans le cadre de Schengen, il y ait un contrôle des frontières", a déclaré M. Hollande.