La surveillance des frères Kouachi en question

Chérif Kouachi, (à g.) et Said Kouachi (Photo Préfecture de Police de Paris)

Saïd et Chérif Kouachi, qui ont basculé dans l'islam radical au début des années 2000, auraient-ils du faire l'objet d'une surveillance accrue, s'interrogent les experts.

PARIS (Reuters) - L'attentat contre Charlie Hebdo repose la question de la surveillance des réseaux islamistes en France en raison de la personnalité des suspects, Saïd et Chérif Kouachi, qui ont basculé dans l'islam radical au début des années 2000.

Les autorités françaises ont fourni des informations peu après la tuerie sur le passé de Chérif Kouachi mais n'ont pas dit si elles savaient que son frère Saïd avait effectué un séjour au Yémen, ce qui aurait pu pousser à une surveillance accrue.

Selon des sources européennes et américaines proches de l'enquête, ce dernier, âgé de 34 ans, s'est rendu au Yémen en 2011 pour s'entraîner avec des militants islamistes liés à Al Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa).

Un haut responsable des services de renseignement yéménites n'a pas confirmé que Saïd Kouachi avait suivi un entraînement avec Aqpa. Mais il a précisé à Reuters qu'il avait rencontré l'ancien prédicateur d'Al Qaïda Anouar al Aoulaki en 2011 et effectué des études religieuses. Anouar al Aoulaki a été tué en septembre 2011 dans une frappe de drone américain.

D'autre part, les deux frères sont originaires du XIXe arrondissement de Paris et l'un d'eux, le plus jeune, Chérif, 32 ans, a purgé une peine de prison après avoir tenté de gagner l'Irak en 2005 pour y rejoindre des combattants islamistes.

Le propriétaire de la Clio grise dérobée par les deux frères mercredi après l'attaque contre la rédaction de Charlie Hebdo a confirmé un lien avec Aqpa. "La simple chose qu'il m'ont dite en partant : 'si les médias te posent une question, tu n'as qu'à dire que c'est Al Qaïda Yémen'. C'est la dernière chose qu'il m'ont dite", a-t-il déclaré sur RTL.

FILIÈRE DES BUTTES CHAUMONT

Lorsque Saïd Kouachi est revenu en France après son séjour au Yémen, lui et son frère se sont gardés de toute activité risquant d'attirer sur eux l'attention des services de sécurité, expliquent pour leur part les sources européennes et américaines.

Le Premier Ministre, Manuel Valls, a souligné jeudi que "ces individus étaient sans doute suivis", mais qu'il n'y a "pas de risque zéro" face à l'éventualité d'un attentat.

Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a souligné pour sa part qu'il "n'y avait pas d'élément les concernant témoignant de l'imminence d'un attentat".

Mais Chérif Kouachi avait fait partie de la filière dite "des Buttes Chaumont", "un groupe que l'on peut considérer comme l’un des pionniers" du djihad à l’étranger, souligne Le Monde.fr.

Au début des années 2000, les deux frères fréquentent la mosquée Adda'wa située dans le quartier de Stalingrad à proximité des Buttes Chaumont, dans le XIXe arrondissement, où ils rencontrent le prédicateur et imam autoproclamé Farid Benyettou.

Accusé d'être à la tête d'une filière de recrutement et d'acheminement de djihadistes pour la branche irakienne d'Al Qaïda, ce dernier sera condamné à six ans de prison ferme à l'issue du procès en mai 2008.

"Farid Benyettou apportait à ces jeunes un soutien religieux et idéologique pour conforter leur désir de partir", dit à Reuters Me Christophe Grignard, qui était son avocat à l'époque.

Interpellé en janvier 2005 alors qu'il s'apprêtait à prendre l'avion pour la Syrie afin de se battre en Irak aux côtés des insurgés islamistes, Chérif Kouachi est, lui, condamné le 14 mai 2008 à trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis.

En 2010, il est soupçonné de préparer l'évasion de Smaïn Ait Ali Belkacem, un des cerveaux des attentats en 1995 du RER Musée d'Orsay et Saint-Michel, ce dernier ayant fait huit morts et près de 120 blessés.

Il avait été placé en détention provisoire en mai 2010 avant d'être libéré en octobre de la même année et de bénéficier d'un non-lieu le 26 juillet 2013.