C'étai la première prière organisée à l'ex-basilique Sainte-Sophie depuis sa reconversion controversée en mosquée; une cérémonie lors de laquelle le président Recep Tayyip Erdogan a récité un passage du Coran.
Lors de cette prière retransmise en direct, M. Erdogan, qui portait pour l'occasion la Djellabah musulmane, a lu la première sourate du Coran. Puis les quatre minarets de Sainte-Sophie ont émis l'appel à la prière du vendredi. Puis les quatre minarets de Sainte-Sophie ont émis l'appel à la prière signalant le début du rite.
Lire aussi : L'année 2016 est marquée par une chute vertigineuse du nombre de touristes en Turquie"Nous assistons à un moment historique (...) Une longue séparation prend fin", a déclaré le chef de l'Autorité religieuse Ali Erbas qui, pendant son prêche, tenait un cimeterre symbolisant la conquête de Constantinople par les Ottomans en 1453.
Il s'agit de la première prière collective organisée depuis 86 ans à Sainte-Sophie, oeuvre architecturale majeure construite au VIe siècle qui a successivement été une basilique byzantine, une mosquée ottomane et un musée.
Le 10 juillet, M. Erdogan a décidé de rendre l'édifice au culte musulman après une décision de justice révoquant son statut de musée obtenu en 1934.
Lire aussi : Turquie : le tourisme en difficulté après les attentatsCette mesure a suscité la colère de certains pays, notamment la Grèce qui suit de près le devenir du patrimoine byzantin en Turquie. Le pape François s'est aussi dit "très affligé" par cette reconversion.
Malgré l'épidémie de nouveau coronavirus, des foules compactes se sont formées dans la matinée autour de Sainte-Sophie, ont constaté des journalistes de l'AFP. Plusieurs fidèles ont même passé la nuit sur place.
"C'est historique. Qu'Allah bénisse Recep Tayyip Erdogan. Il fait de si belles choses. Je suis très émue", a déclaré à l'AFP Aynur Saatçi, une femme au foyer de 49 ans qui a écourté ses vacances pour venir prier à Sainte-Sophie.
- "Briser les chaînes" -
Pour nombre d'observateurs, la reconversion de Sainte-Sophie en mosquée vise à galvaniser la base électorale conservatrice et nationaliste de M. Erdogan, dans un contexte de difficultés économiques aggravées par la pandémie.
Lire aussi : Turquie: Erdogan, le "Reïs" qui ambitionne de marquer l'histoireEn prenant cette décision, le chef de l'Etat, souvent accusé de dérive islamiste, s'attaque aussi à l'héritage du fondateur de la République, Mustafa Kemal, qui avait transformé Sainte-Sophie en musée pour en faire l'emblème d'une Turquie laïque.
Comme un symbole, M. Erdogan a choisi pour la première prière le jour du 97ème anniversaire du traité de Lausanne qui fixe les frontières de la Turquie moderne et que le président, nostalgique de l'Empire ottoman, appelle souvent à réviser.
Lire aussi : Turquie : Attentat-suicide meurtrier dans un site historique d'IstanbulSainte-Sophie reste en Turquie étroitement associée à la prise de Constantinople par le sultan Mehmet II, dit le Conquérant. Une fanfare ottomane était d'ailleurs présente sur le parvis de l'édifice vendredi.
"C'est le moment où la Turquie brise ses chaînes. Elle pourra désormais faire ce qu'elle souhaite, sans être soumise à l'Occident", estime Selahattin Aydas, un commerçant venu prier à Sainte-Sophie.
"Personne d'autre que notre président n'aurait pu la retransformer en mosquée", ajoute-t-il.
Lire aussi : Turquie: les mosquées rouvertes aux prières collectivesLa prière de vendredi intervient par ailleurs dans un contexte de fortes tensions entre Ankara et Athènes, liées notamment aux explorations turques d'hydrocarbures en Méditerranée orientale.
La Grèce a vivement dénoncé la reconversion de Sainte-Sophie en mosquée, y voyant une "provocation envers le monde civilisé".
- "Show politique" -
En guise de protestation en Grèce, les églises orthodoxes devaient faire sonner leurs cloches vendredi. "C'est un jour de deuil pour (...) toute la chrétienté", a déclaré le chef de l’Église grecque, l'archevêque Iéronymos.
Israfil, un vendeur de kilims près de Sainte-Sophie, est lui aussi mécontent de la reconversion de Sainte-Sophie, redoutant un "impact négatif sur le tourisme" qui a déjà énormément souffert de l'épidémie.
"Tout ce show, c'est pour des raisons politiques", grommelle-t-il.
Lire aussi : L'avenue Istiklal d'Istanbul change de visage après les attentats et le putschMais Ankara a rejeté toutes les critiques au nom de la "souveraineté", soulignant que les touristes pourront continuer de visiter cet édifice classé au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco.
La précipitation des autorités pour y organiser une première prière suscite en tout cas des inquiétudes.
"Les mesures prises à la hâte (...) peuvent avoir des conséquences désastreuses et causer des dégâts irréversibles" à l'édifice vieux de 15 siècles, souligne Tugba Tanyeri Erdemir, chercheuse à l'Université de Pittsburgh.
Le sort des mosaïques byzantines qui se trouvent à l'intérieur de Sainte-Sophie préoccupe particulièrement les historiens.
Lire aussi : A Chypre, le combat d'un imam pour redonner vie aux mosquées du sud de l'îleL'Autorité des affaires religieuse (Diyanet) a affirmé qu'elles seraient dissimulées par des rideaux uniquement pendant les prières, l'islam interdisant les représentations figuratives, et resteraient visibles le reste du temps.