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L'avenue Istiklal d'Istanbul change de visage après les attentats et le putsch


Des piétons se promènent le long de l'avenue Istiklal au centre d'Istanbul, le 20 mars 2016.
Des piétons se promènent le long de l'avenue Istiklal au centre d'Istanbul, le 20 mars 2016.

La plus célèbre artère commerçante de Turquie, l'avenue Istiklal, est en train de changer de visage, les commerces désertant peu à peu ce centre névralgique de la culture et du tourisme à Istanbul.

La rue piétonne, longue de près de 1,5 km et située dans le quartier de Beyoglu (anciennement Péra), abrite des boutiques élégantes, des librairies, des galeries d'art, des cafés et pubs, ainsi que le plus ancien lycée francophone de Turquie, Galatasaray, datant de l'époque ottomane, situé au milieu de l'avenue menant à la place Taksim.

De nombreux magasins y ont cependant mis la clé sous la porte dans la foulée d'une attaque meurtrière en mars qui a tué trois touristes israéliens et un Iranien, attribuée par les autorités aux jihadistes du groupe d'Etat islamique (EI). Un dernier attentat a tué 45 personnes en juin à l'aéroport Atatürk.

Istiklal occupe une place particulière dans l'histoire d'Istanbul, et était, jusqu'à l'effondrement de l'Empire ottoman dans les années 1920, le coeur de ce qui était alors le quartier européen et cosmopolite de la ville.

Alors connue sous le nom de la Grande Rue de Péra, elle a formé l'axe d'une zone qui était peuplée presque exclusivement d'Européens et de chrétiens.

Des siècles durant, l'avenue à été la plaque tournante des marchands étrangers, des diplomates d'Istanbul, alors Constantinople, baignant dans une culture européenne de théâtres, de cafés et même de consommation d'alcool au coeur de la capitale ottomane.

Les églises et ambassades construites à cette époque bordent encore la rue Istiklal aujourd'hui.

Tourisme en berne

Mais le lieu a vu son caractère changer après la Première Guerre mondiale, avec un afflux de Russes blancs dans la foulée de la révolution d'Octobre, puis le départ de nombreux diplomates quand la capitale a été déplacée à Ankara avec la fondation de la République turque en 1923.

Rebaptisée avenue Istiklal ("indépendance"), la zone est devenue quasi exclusivement musulmane et turque avec le départ de la plupart des minorités chrétiennes, chassées lors des émeutes anti-grecques de 1955.

Mais elle a quand même réussi à conserver encore des boutiques et des cafés fréquentés par les flâneurs et les amoureux d'une nostalgie pour l'"ancienne" Istanbul.

Profitant à plein de la croissance économique dynamique de la Turquie dans la dernière décennie, Istiklal a progressivement été colonisée par les grandes chaînes commerciales au détriment des petits magasins chassés par les loyers élevés.

Istiklal est devenu un aimant pour les touristes en particulier venant des pays arabes.

Mais avec la chute du tourisme, l'artère est confrontée à un avenir incertain.

Ahmet Misbah Demircan, le maire du district de Beyoglu du parti AKP, au pouvoir, refuse tout défaitisme. "Nous sommes conscients des ondes négatives. Cela est naturel, après tout ce qui est arrivé, mais je ne vois personnellement aucun signe montrant qu'il y aura un impact permanent", a-t-il dit à l'AFP.

"Le coup d'Etat du 15 précédé par les attaques terroristes étaient des actions visant à endommager l'économie de la Turquie", a déclaré le maire qui estime injuste de stigmatiser Istiklal avec des "scénarios de catastrophe".

Selon les habitants, les loyers montant en flèche sont à l'origine de la fermeture de nombreux magasins. Des annonces de location pullulent.

"Au cours de la dernière décennie, les loyers ont grimpé d'une manière irrationnelle", explique un propriétaire sur l'artère, Ihsan Aydogan, évoquant des loyers mensuels compris entre 40.000 et 400.000 dollars.

Airs arabes

Mais les attaques terroristes et les loyers élevés ne sont pas le seul facteur.

Les manifestations anti-gouvernementales de 2013 visant à dénoncer l'"autoritarisme" du régime turc, qui ont débuté dans le parc public Gezi situé sur la place Taksim et violemment réprimées par la police, avaient déjà entamé la popularité de l'avenue.

A l'époque, les manifestants ont joué au chat et à la souris avec la police antiémeute au milieu des salves de grenades lacrymogènes dans les rues latérales d'Istiklal.

La grande rue, parcourue autrefois chaque jour par des dizaines de milliers de personnes, semble maintenant être abandonnée principalement aux touristes arabes, alors que les touristes occidentaux sont moins présents.

Hakan Eginlioglu, président de la Chambre des guides touristiques d'Istanbul, a indiqué que l'avenue Istiklal était dans le passé fréquentée par les Turcs laïcs et les touristes européens, mais a été transformée au fil des ans, pour attirer des habitants des quartiers conservateurs et des touristes arabes.

"Le profil humain à Istiklal est en train de changer, tout comme son atmosphère", dit-il.

Avec AFP

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