Le scrutin dans ce petit pays andin est déterminant pour la gauche latino-américaine, affaiblie par les virages conservateurs de l'Argentine, du Brésil et du Pérou.
Le charismatique mais controversé Rafael Correa, qui ne se représentait pas après dix ans au pouvoir, va laisser un pays modernisé et aux inégalités sociales réduites, mais polarisé et en proie à la crise économique.
Son ancien vice-président Lenin Moreno, candidat d'Alliance Pays (AP), a recueilli 39,11% des voix dimanche face à l'ex-banquier Guillermo Lasso, du mouvement conservateur Créant des opportunités (Creo), crédité de 28,30%, selon des résultats portant sur 88,3% des suffrages exprimés et publiés lundi à 10H00 (15H00 GMT) sur le site du Conseil national électoral (CNE).
Pour l'emporter au premier tour, le candidat d'AP doit totaliser au moins 40% des voix, avec dix points d'avance sur le leader de l'opposition de droite.
Un éventuel second tour apparaît risqué pour M. Moreno. Son adversaire peut bénéficier du report des voix d'autres candidats : l'ex-députée de droite Cynthia Viteri, arrivée en troisième position, avec 16,33% selon les derniers résultats partiels, a déjà appelé à voter pour M. Lasso.
"Ici, ce qui est en jeu, c'est l'avenir de l'Equateur", a déclaré lundi matin M. Moreno à la chaîne Telesur. Mais "j'aime les défis forts, les grands enjeux et je vais réussir", a assuré le candidat d'AP, qui aura 64 ans en mars et se déplace en fauteuil roulant car devenu paraplégique à la suite d'une agression à main armée en 1998.
Le sort d'Assange
"Nous avons déjà les 10 points de différence avec Lasso et cela continue à augmenter", a tweeté Rafael Correa, chantre d'un "Socialisme du XXIe siècle", héritier du leadership latino-américain du défunt président vénézuélien Hugo Chavez et pourfendeur des Etats-Unis.
Avec cette élection se joue aussi le sort de Julian Assange, fondateur de WikiLeaks réfugié depuis 2012 à l'ambassade équatorienne de Londres, sous le coup d'une demande d'extradition en Suède pour un viol présumé, qu'il nie.
Lenin Moreno n'entend pas lui retirer l'asile, mais Guillermo Lasso a assuré à l'AFP que, s'il était élu, il l'expulserait "dans les 30 jours".
Le président du CNE, Juan Pablo Pozo, a recommandé d'"attendre le dépouillement de 100%" des bulletins, prévu lundi, avant de confirmer un second tour, prévu le 2 avril. Le prochain président doit prendre ses fonctions le 24 mai.
M. Lasso, 61 ans, qui s'est dit sûr d'aller à un second tour, a déclaré lundi à la chaîne Teleamazonas qu'il ne se reposerait pas "jusqu'à obtenir la victoire du peuple équatorien qui veut le changement".
Exigeant des résultats transparents, des centaines de partisans étaient à nouveau rassemblés, comme la veille, devant le CNE, dont le président a cependant écarté toute fraude.
"On veut voler la volonté du peuple qui souhaite un changement", a affirmé à l'AFP Lyda Alzate, une sympathisante de M. Lasso.
Le poids de la crise
Quelque 12,8 millions d'électeurs devaient voter, sous peine d'amende, pour désigner le successeur de M. Correa parmi huit candidats, ainsi que le vice-président et 137 députés.
Les résultats encore très partiels des législatives ne permettaient pas de savoir si AP conservait sa majorité des deux-tiers à l'Assemblée, même si le parti figurait largement en tête.
"Le grand électeur a été la crise économique", a déclaré à l'AFP l'analyste Alberto Acosta-Burneo du consultant Spurrier, précisant que lors de ses réélections au premier tour en 2009 et 2013, M. "Correa a obtenu plus de 50% grâce à la manne" pétrolière de l'époque.
L'Equateur a vu depuis son économie dollarisée affectée par la chute du brut et la hausse du billet vert. Le gouvernement se voit reprocher d'avoir gaspillé les recettes du pétrole.
La crise mécontente les classes moyennes, lasses de la confrontation de M. Correa avec les milieux d'affaires et les médias, entre autres. De récentes révélations de cas de corruption ont encore assombri le panorama.
Avec AFP