Intimidations, menaces de mort, interpellations arbitraires, abus d’autorité sont devenus leur lot quotidien. Mais sans relâche, ces femmes et ces hommes restent engagés dans leur combat souvent dans des zones rurales reculées.
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"En réalité, on défend nos droits, c’est peut-être le gouvernement qui trouve que nous sommes des criminelles", explique Marie-Noël Etonde Mbella, présidente de la section féminine de Synergie nationale des paysans et riverains du Cameroun.
La Synaparcam est une association qui dénonce les violences dont sont victimes les riveraines des agro- industriels au Cameroun.
Le phénomène est très répandu d’après plusieurs organisations non gouvernementales à Souza, non loin de Douala, la capitale économique où un producteur de l’huile de palme est implanté.
"Des femmes ont parfois été violées, d’autres bastonnées par des gardiens de cette société qui les accusaient d’avoir volé les noix de palme, hormis cela, dans un village comme Mbodjo, les militaires au lieu de garder les plantations de la Socapalm passent leur temps derrière nos maisons et cela met les femmes mal à l’aise, voilà ce que nous dénonçons", ajoute la présidente de la Synaparcam.
En guise de protestation, rapporte Marie-Noël Etonde Mbella "les femmes ont barré la route à ces militaires, il a fallu que le sous-préfet vienne sur les lieux et ordonne aux militaires d’aller attraper les voleurs au lieu de sillonner nos villages".
Dans le village Wala dans le centre du pays, Joseph Fa’a Embolo s’est opposé à l’exploitation de plus de 1000 hectares de terre par une entreprise chinoise.
L’accord de concession ne prévoyait que 100 hectares à cette entreprise. Le militant a entrepris d’abattre plusieurs arbres pour leur barrer la route afin de préserver ses propres terres.
"Le 24 mai 2011, pendant que je coupais le troisième arbre que vous voyez derrière là, le commandant de brigade de gendarmerie est venu avec un de ses éléments nous arrêter en présence du sous-préfet", raconte Joseph Fa’a Embolo, défenseur de l’environnement.
Mis en garde à vue pendant huit jours, puis transféré à la prison principale de Nanga-Eboko où il a passé pratiquement quatre mois, Joseph Fa’a Embolo a été poursuivi plus tard, "pour abattage illégal, entrave à une voie publique et rébellion". Il a été reconnu non coupable en 2017.
"En tant que défenseur de l’environnement, je dénonce depuis 1990 les abus, la corruption dans mon département et cela dérange les autorités et les fonctionnaires", affirme-t-il pour expliquer la vraie raison de ses démêlés judiciaires.
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Depuis neuf ans, Norbert Bouba est le coordonnateur de la Cellule de veille et de protection des victimes des activités minières (Celpro) de l’arrondissement de Figuil, dans le nord du Cameroun.
Deux sociétés installées ici depuis des lustres, exploitent le ciment et le marbre. Elles ne reversent pas 25% de leurs revenus aux populations riveraines comme le prévoit le code minier du pays.
Norbert Bouba a payé cher cette revendication."De 2012 jusqu’à 2017, j’ai subi des tortures, des intimidations, on a porté plainte contre moi par rapport aux activités que je mène pour le renforcement des capacités des communautés afin qu’elles puissent défendre elles-mêmes leurs droits. À cet effet j’ai été conduit jusqu’à la brigade de recherches judiciaires et de lutte contre le grand banditisme de l’état-major à Garoua".
"Land Rights Now", expression en anglais que l'on peut traduire par 'Les droits fonciers maintenant', est une campagne menée depuis 2016. Elle attire l’attention du public contre la criminalisation des activités des défenseurs des droits fonciers.
"Ce que l’on a constaté, c’est que quand les communautés résistent face aux tentatives de dépossession de leurs terres, elles sont accusées à tort d’être des criminels", regrette Dr Samuel Nguiffo, secrétaire général du Centre pour l’environnement et le développement, qui coordonne cette campagne.
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"On a suivi le cas d’un leader communautaire accusé par les autorités d’être un coupeur de route, or ce qui n’était pas le cas, mais il a été incarcéré pendant quatre mois, au terme d’un procès de deux ans, il a pu faire reconnaître son innocence. On a vu d’autres leaders communautaires accusés d’être des ennemis de la république donc contre le développement", confie Dr Samuel Nguiffo à VOA Afrique.
Mais dans certains cas, l’Etat a entendu le cri d’alarme des défenseurs de l’environnement, "nous avons vu l’Etat pour la première fois écouter les organisations de la société civile qui ont émis des réserves par rapport au projet de la société Camvert qui voulait exploiter plus de 60.000 hectares de palmier à huile dans la zone Campo-Niété", souligne Martin Biyong, directeur du Centre pour le développement local et alternatif.
L’un des plus célèbres défenseurs de l’environnement du Cameroun est le paysan, Emmanuel Elong, qui dénonce les abus sociaux et environnementaux du groupe français Bolloré au Cameroun. Ce que le groupe Bolloré a toujours réfuté.