Hauts cadres sanctionnés, accusations de trafic d'influence, note financière revue à la baisse, la semaine qui s'achève a encore largement nourri la "saga" Eskom.
En attendant le coup d'envoi d'une commission d'enquête judiciaire en bonne et due forme, le Parlement s'est attaqué en octobre 2017 à la gestion de la compagnie nationale, symbole de la "capture de l'Etat" reprochée M. Zuma.
Le décor de ses auditions a été planté fin 2016 par l'ancienne médiatrice de la République.
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Dans un rapport au vitriol, Thuli Madonsela avait décrit comment les sulfureux frères Gupta, un trio d'hommes d'affaires très proche de Jacob Zuma, avait manigancé en 2015 la nomination à la tête d'Eskom de leur protégé Brian Molefe.
Devant les députés, l'ex-patron d'une entreprise de la galaxie Gupta, Mosilo Mothepu‚ a confirmé que l'arrivée de M. Molefe visait à faire du mastodonte de l'énergie, qui fournit 45% de l'électricité produite en Afrique, une "vache à lait".
Deux contrats nourrissent particulièrement les soupçons des élus.
Le premier, de 105 millions d'euros, a été attribué aux firmes McKinsey et Trillian pour des "conseils" d'une réalité très douteuse. Aux termes du second, Eskom a versé aux Gupta 35 millions d'euros pour l'achat d'une mine qui lui a ensuite vendu du charbon.
Menaces
Un ancien PDG de l'entreprise, Zola Tsotsi a décrit sans détour les menaces exercées sur lui par la fratrie.
"Tony (un des frères) m'a dit un jour +président, vous ne nous aidez pas beaucoup. Nous sommes ceux qui vous ont mis en place, nous pouvons vous en faire partir+", a-t-il raconté.
Les autres dirigeants d'Eskom qui se sont succédé devant les parlementaires ont été moins bavards.
L'ex-ministre des Finances Pravin Gordhan, revenu sur les bancs du Parlement depuis son limogeage par Jacob Zuma, les a passés à la question pendant de longues heures. "Vous avez mis Eskom a genoux", a-t-il lancé à l'un d'eux.
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Mais tous ont nié avoir enfreint la loi ou favorisé les Gupta.
"Il y a des centaines de décisions prises à Eskom que son PDG ne connaît pas", s'est défendu Brian Molefe. "Rien de ce que je savais ne suggérait une quelconque pratique illégale", leur a assuré un autre dirigeant, Matshela Koko.
La ministre des Entreprises publiques Lynn Brown, proche du chef de l'Etat, a elle démenti avoir couvert la moindre irrégularité chez Eskom. "Nous ne pouvons pas encore dire que des fautes y ont été commises", a-t-elle assuré.
Cette semaine, la controverse a rebondi avec le témoignage de l'ancien PDG de la compagnie ferroviaire nationale (Prasa).
Lui-même soupçonné de malversations, Lucky Montana s'est défendu en racontant comment les Gupta avaient tenté d'influencer un juteux contrat de trains. "Mais ils n'étaient pas les seuls", a-t-il ajouté, accusant le Congrès national africain (ANC) au pouvoir d'avoir lui aussi exigé sa part du gâteau...
'Faillite ?'
Le nouveau patron de l'ANC, Cyril Ramaphosa, a réagi mi-janvier à ce grand déballage en remaniant la direction d'Eskom.
Ancien syndicaliste reconverti en richissime homme d'affaires, le probable successeur de Jacob Zuma à la tête de l'Afrique du Sud a promis de nettoyer le pays et son parti de la corruption, qui pèse de plus en plus sur l'économie et les marchés.
Mardi, Eskom a présenté des résultats provisoires inquiétants.
Ses bénéfices ont reculé de 34% en un an, ses réserves de liquidités ont fondu et sa dette n'en finit pas de se creuser, estimée à 370 milliards de rands (25 milliards d'euros).
"La gouvernance de l'entreprise est la cause de notre problème de liquidités", a résumé son nouveau patron, Phakamani Hadebe.
Dans la foulée, deux agences de notation, Moody's et Fitch ont abaissé la note financière d'Eskom en raison de "la détérioration de sa situation en terme de finances et de liquidités".
Pour le gouvernement sud-africain, il y a désormais urgence à redresser les comptes de la compagnie.
Une première décision se dessine déjà, l'abandon du projet de construction de nouvelles centrales nucléaires défendu par Jacob Zuma, largement jugé hors-de-prix. "Nous avons des capacités de production excédentaires et nous n'avons pas d'argent", a confié M. Ramaphosa à Davos (Suisse).
"Si Eskom devait faire faillite", a mis en garde le ministre des Finances Malusi Gigaba, "il n'y aura plus de monnaie ni d'économie sud-africaine".
Avec AFP