Déjà défait trois fois auparavant à la présidentielle (1997, 2007, 2013), M. Odinga a décidé de ne pas s'incliner sans avoir mené jusqu'au bout ce qui pourrait être sa dernière grande bataille politique, à 72 ans.
Resté silencieux pendant 48 heures après la réélection vendredi soir de M. Kenyatta, qui avait immédiatement déclenché des violences ayant fait au moins 16 morts - dont une fillette de neuf ans - dans les fiefs de l'opposition, M. Odinga n'a laissé planer aucune ambiguïté sur ses intentions dimanche.
"Nous n'avons pas encore perdu. Nous n'abandonnerons pas", a-t-il lâché à des milliers de supporteurs en liesse dans le bidonville de Kibera, à Nairobi, un des hauts lieux de la contestation. "Attendez que j'annonce la marche à suivre après-demain" (mardi), avait-il ajouté. Mardi midi, l'opposition n'avait pas divulgué le lieu, ni l'horaire de cette annonce.
Les options s'offrant à M. Odinga paraissent cependant limitées. Il pourrait céder aux pressions internationales et se tourner vers la justice, une éventualité que la coalition d'opposition Nasa a pourtant écartée jusqu'ici.
Un recours en justice peut être déposé jusqu'au 18 août. Mais Raila Odinga se rappelle fort bien qu'il avait saisi en 2013 la Cour suprême pour déjà contester l'élection de M. Kenyatta, et que celle-ci lui avait donné tort.
Paralyser la capitale
Il pourrait également laisser une tierce partie saisir la Cour Suprême. Mais ces dernières 24 heures, l'organisme du ministère de l'Intérieur qui supervise les ONG dans le pays (NGO Board) a révoqué la licence de la Commission kényane des droits de l'Homme (KHRC), arguant d'irrégularités (impôts impayés, permis de travail absents) et a demandé à la police de fermer Africog, une organisation de la société civile engagée dans la transparence de la vie publique, au motif qu'elle n'était pas dûment enregistrée comme ONG.
Ces deux organisations sont parmi les plus susceptibles de déposer un tel recours.
Une autre possibilité pour le leader d'opposition serait d'en appeler à des manifestations dans les rues de Nairobi, avec l'ambition de paralyser la capitale pour plusieurs heures voire plusieurs jours.
Le président Kenyatta a semblé donner lundi son assentiment à une manifestation, pour peu qu'elle soit pacifique. "Faites-le simplement de manière pacifique, ordonnée, ne perturbez pas la vie des autres Kényans, et exprimez votre opinion", a-t-il déclaré.
Mais ce serait tout de même pour M. Odinga prendre le risque de mettre ses sympathisants en danger. La police est peu susceptible de laisser la population des bidonvilles déborder dans le centre de Nairobi sans exercer un contrôle musclé de la situation.
Par ailleurs, nombre des partisans de M. Odinga dans les bidonvilles de la capitale, issus majoritairement de son ethnie luo, n'ont pas les moyens de perdre plusieurs jours à manifester, trop occupés qu'ils sont à simplement survivre.
'Mensonges éhontés'
A Nairobi, la timide reprise de l'activité entrevue lundi se confirmait mardi, après une semaine où la capitale avait offert le spectacle d'une ville morte. Même dans ses bidonvilles - Kibera, Mathare et Kawangware - et dans la ville de Kisumu (ouest), foyers des principales violences, les gens avaient recommencé à s'atteler à leurs tâches quotidiennes.
La colère des partisans de l'opposition avait éclaté dès l'annonce de la victoire de M. Kenyatta, avec 54,27% des voix, contre 44,74% à M. Odinga, au terme d'un scrutin pourtant annoncé serré par les instituts de sondage.
Ces incidents ont remis en lumière les vieilles rancoeurs entre communautés qui avaient nourri les violences post-électorales ayant fait plus de 1.100 morts et 600.000 déplacés en 2007-2008, après la réélection de Mwai Kibaki, déjà contestée par M. Odinga.
La police a nié que des manifestants pacifiques aient été tués. Elle a affirmé que ceux qui sont morts étaient armés et commettaient des actes criminels (viols, pillages), et s'en étaient pris à des policiers. La plupart des 16 morts ont été tués par balles. Quelque 177 blessés ont également été pris en charge par la Croix-Rouge pour l'ensemble du pays.
Dans un éditorial acerbe mardi, le Daily Nation a dénoncé "les mensonges éhontés" du gouvernement, appelant les forces de police à ne pas se substituer à la loi.
Les médias locaux ont rapporté le sort d'une fillette de 6 mois, hospitalisée dans le coma à Kisumu après une intervention brutale de la police vendredi soir au domicile de ses parents.
Avec AFP