Construite par la Chine, cette ligne de chemin de fer est le plus important projet d'infrastructures depuis l'indépendance du Kenya en 1963 et permettra de transporter, dans des trains flambant neufs, passagers et marchandises entre la capitale Nairobi et la ville portuaire de Mombasa, sur l'océan Indien.
Ce projet de 2,8 milliards d'euros s'inscrit dans la perspective de relier par le rail l'Ouganda, le Rwanda, le Burundi, le Soudan du Sud et l'Ethiopie. Malgré plusieurs controverses, il est aussi un des principaux arguments de l'exécutif kenyan en vue de sa réélection en août.
Les 472 kilomètres de rail construits depuis 2014 doivent remplacer la ligne construite par le colon britannique, qui faisait jusqu'en avril le bonheur des touristes avide de désuétude, mais désespérait par sa lenteur les passagers et les transporteurs de marchandises en quête de rapidité.
Le nouveau Standard Gauge Railway (SGR) offre par ailleurs une alternative compétitive au pénible voyage sur une des routes les plus dangereuses du pays. Le trajet par la route prend généralement deux jours aux camions, alors que le nouveau trajet en train durera cinq heures pour le transport de passagers, et huit pour les marchandises.
"Aucun pays ayant accédé au développement ne l'a fait sans de bons chemins de fer", assure à l'AFP James Macharia, ministre kényan des Transports, selon lequel le fait que la ligne ferroviaire Nairobi-Mombasa n'ait jamais été modernisée en plus de 100 ans "nous a tiré vers le bas en terme de développement".
Surnommée le "Lunatic Express", l'ancienne ligne a été construite à partir de 1896 par les Britanniques, qui souhaitaient relier l'Ouganda et ses richesses à l'océan Indien, et est devenue synonyme d'aventure des temps coloniaux.
Lors de sa construction, les travailleurs indiens et britanniques passent ainsi pour avoir été terrorisés par deux lions "mangeurs d'hommes" dont la légende raconte qu'ils dévoré 135 hommes.
- Parc national -
On prête également au "Lunatic Express" d'avoir façonné le Kenya moderne.
Nairobi n'est au tournant du XXe siècle qu'un petit poste avancé perdu dans les marais, mais entame son irréversible développement après avoir été choisi pour accueillir le siège de la société des chemins de fer kényans. Un siècle plus tard, Nairobi est la capitale de la première économie d'Afrique de l'Est et un des centres névralgiques de la région.
Quant au nouveau rail, certains observateurs le voient comme une allégorie du Kenya, naviguant entre accusations de corruption, dangers environnementaux et volonté de développement.
"On est en droit de demander +pourquoi avez-vous (le gouvernement) négocié cela aussi mal?+", soutient Kwame Owino, directeur de l'Institut pour les Affaires économiques, basé à Nairobi, selon lequel la construction du SGR est trop onéreuse.
Sans passer par un appel d'offre, Nairobi a opté pour la construction d'une nouvelle ligne - et non une rénovation de l'ancienne - financée à 90% par la Chine.
Selon M. Owino, d'autres chemins de fer similaires en Ethiopie et en Tanzanie, notamment, ont été construits pour un coût au kilomètre bien inférieur, un argument que le ministre des Transports rejette, assurant que le SGR a dû être construit sur un terrain plus difficile, et transportera bien plus de marchandises.
Le gouvernement s'attend à ce que le SGR gonfle le PIB de 1,5% par an, permettant de rembourser son financement "dans environ 4 ans", estime M. Macharia.
"Je pense qu'ils prennent leurs désir pour des réalités", rétorque M. Owino, s'interrogeant sur le volume de marchandises qui pourront effectivement être acheminées et soulignant que la croissance en Afrique de l'Est commence à se tasser.
Les défenseurs de l'environnement dénoncent eux les perturbations pour la faune sauvage provoquées par la construction du rail, menant notamment à la mort de plusieurs éléphants.
Quant au prochain tronçon du SGR, qui doit relier Nairobi à Naivasha, dans la vallée du Rift, il a également fait bondir: un pont doit être construit à travers l'emblématique parc national de Nairobi.
Avec AFP