Sur le fleuve Zambèze, la plus grande réserve d'eau douce jamais construite par l'Homme n'est remplie qu'à 12% de sa capacité maximale, qui peut atteindre le chiffre démesuré de 185 kilomètres cubes, plus de deux fois celle du lac Léman.
"Nous sommes en-dessous des niveaux les plus bas enregistrés en 1995 et 1996", affirme Munyaradzi Munodawafa, l'ingénieur en chef de l'Autorité du Zambèze qui gère le lac artificiel.
A la même époque l'an dernier, le lac était rempli à 51%, assure-t-il, mais la sécheresse, aggravée par le phénomène climatique el Niño, est passée par là.
Les conséquences pour le Zimbabwe et la Zambie sont graves: le lac constitue une source majeure de production électrique pour les deux pays et un réservoir de pêche vital pour les riverains.
Situé à 400 kilomètres en aval des chutes Victoria, le réservoir permet de faire fonctionner deux centrales hydro-électriques qui produisent 750 MW d'électricité pour le Zimbabwe et 600 MW pour la Zambie.
Or face à cette situation d'urgence, les autorités doivent rationner la quantité d'eau utilisée pour produire de l'électricité.
M. Munodawafa assure qu'à ce rythme les turbines peuvent encore produire du courant pour les cinq prochains mois et que le black-out n'est pas au programme.
"Même si nous ne nous attendons pas à une grande augmentation du volume des eaux, une coupure totale de la production est improbable", assure-t-il, avant de prévenir qu'il faudra peut-être "rationner davantage".
Une telle décision entraînerait fatalement davantage de coupures de courant dans les deux pays déjà bien affectés.
Le Zimbabwe souffre d'interminables coupures d'électricité liées à la vétusté de ses centrales électriques et au manque de liquidités pour importer de l'électricité, alors que le pays est rongé par la crise économique depuis une décennie.
La Compagnie d'approvisionnement en électricité du Zimbabwe (Zesa) rationne l'électricité jusqu'à 10 heures par jour dans les pires périodes.
En Zambie, les coupures quotidiennes durent environ 8 heures, obligeant la population à recourir au charbon, ou pour les plus aisés à acheter des générateurs.
La pêche sinistrée
Plus près des turbines, sur les rives du lac Kariba, les habitants sont davantage préoccupés par le manque de poissons dans leurs filets que par les coupures de courant.
"Le business est au ralenti à cause du bas niveau des eaux", indique Hakurotwi Shonhiwa, le président de l'association des pêcheurs indigènes de kapenta -une sardine d'eau douce-, sur la rive zimbabwéenne du lac.
"Il n'y a aucun profit et les gens pêchent juste pour survivre", précise-t-il.
John Chiringa, propriétaire d'une petite entreprise de pêche à Kariba, explique que plus de 400 bateaux pêchent les kapentas sur le lac, employant des milliers de personnes.
"Le changement climatique menace l'industrie et plusieurs personnes ont quitté l'industrie de la pêche", note-t-il.
"Ces derniers mois, très peu de bateaux ont réussi à attraper une tonne de poisson en un mois alors qu'avant ils pouvaient en attraper jusqu'à quatre tonnes", poursuit-il.
Outre ces pêcheurs commerciaux, des milliers de petits indépendants tentent, depuis la rive ou à bord de barques de fortune, d'attraper du poisson.
L'un d'eux, Wonder Dipuka, qui fait vivre sa famille grâce à la pêche, explique que la famine menace désormais son foyer.
"C'est devenu très difficile de survivre car il n'y a pas d'autre travail à Kariba", assure-t-il tout en surveillant si quelque chose mord à sa ligne.
Il peut gagner 40 dollars par jour (35 euros) s'il pêche 20 kilos de poisson, mais ces dernières semaines, c'est à peine s'il arrive à attraper un kilo.
Cyril Murinda, un autre pêcheur, ne dit pas le contraire: "c'est si difficile qu'un mauvais jour vous ne pouvez attraper que quelques poissons, juste assez pour manger ou échanger contre de l'huile de cuisson".
"Nous espérons que Dieu entend nos prières pour la pluie et que le lac se remplisse pour que nous puissions pêcher de nouveau, sinon nous mourrons de faim", conclut-il.
Avec AFP