Le Maroc justifie la répression contre le mouvement de contestation

Les protestataires lancent des pierres sur les policiers marocains, à Imzouren, Maroc, le 2 juin 2017.

"Faire respecter la loi" : le ministre marocain de l'Intérieur a justifié mardi la récente vague d'arrestations qui a décapité le mouvement de contestation populaire dans le nord du pays, où les manifestations perdurent cependant.

"L'Etat est mobilisé pour répondre aux revendications sociales et économiques de la population" à Al-Hoceïma, a une nouvelle fois affirmé Abdelouafi Laftit, venu au Parlement pour répondre aux questions des députés.

Cette province est secouée depuis sept mois par un mouvement de contestation revendiquant le développement du Rif, une région historiquement frondeuse et géographiquement enclavée que les protestataires jugent "marginalisée".

Les nombreux chantiers lancés ou relancés ces derniers mois par le gouvernement dans la région "répondent à 90% des demandes de la population", a vanté M. Laftit, reprenant le discours de l'exécutif qui promet d'en faire un "pôle de développement".

Depuis une dizaine de jours, la police a mené 87 arrestations, selon un dernier bilan officiel, parmi lesquelles celles de Nasser Zefzafi, le leader du "hirak" (la mouvance, nom du mouvement qui anime la contestation).

Nasser Zefzafi était recherché pour avoir interrompu le 26 mai le prêche d'un imam dans une mosquée. Mais selon un de ses avocats, des "accusations lourdes et exagérées" pèsent désormais contre M. Zefzafi, incarcéré en détention provisoire dans la nuit de lundi à mardi.

Une vingtaine d'autres personnes ont également été placées en détention, notamment pour "tentative d'homicide volontaire, atteinte à la sécurité intérieure, incitations contre l'intégrité du royaume (...) et autres crimes".

Mardi, trois autres membres du "hirak", dont le journaliste-militant Mohamed Asrihi, animateur du compte Facebook Rif24 (l'une des voix du "hirak" sur les réseaux sociaux), ont été interpellés, ont indiqué à l'AFP les autorités locales.

"L'Etat n'avait d'autre choix que de faire respecter la loi", a justifié le ministre de l'Intérieur, en référence à cette vague d'arrestations.

Elles se sont faites dans la "transparence et le respect de la présomption d'innocence", tandis que la presse n'a eu à subir "aucune entrave" dans sa couverture des évènements, a estimé Abdelouafi Laftit.

Nouveau procès

Des manifestations quotidiennes -nocturnes pour cause de ramadan- ont lieu depuis une dizaine de jours dans la province, à Al-Hoceïma et Imzouren.

Aux cris de "Nous sommes tous Zefzafi" et appelant à la "libération" des militants arrêtés, ces rassemblements -passés de plusieurs milliers à quelques centaines de participants ces trois derniers jours- se déroulent sous une forte présence policière.

Hormis quelques heurts ponctuels, le mouvement est resté "pacifique", mot d'ordre revenant en boucle chez les protestataires.

"Malgré les efforts fournis par l'Etat pour répondre positivement aux différentes demandes des habitants, l'obstination de certains de continuer à manifester quotidiennement pose question", a estimé M. Laftit.

"Qui a intérêt à ce que la porte du dialogue ouverte par le gouvernement soit fermée?", s'est-il interrogé, dénonçant les "agissements" de "certaines parties" sur les réseaux sociaux et de ceux qui voudraient "faire perdurer le mouvement".

Son intervention a néanmoins été contestée par deux députés, intervenus en séance.

"Le 'hirak' est un mouvement pacifique, qui s'est toujours montré exemplaire. Les accusations selon lesquelles il servirait un agenda extérieur sont fausses", a estimé un représentant du parti Istiqlal, appelant à la "libération des détenus" et à un "véritable dialogue".

Un député du Parti justice et développement (PJD, islamiste) a lui aussi rejeté les accusations de "trahison" lancées contre les manifestants, remettant en question la couverture des évènements par les télévisions publiques et demandant aux politiques de "jouer leur rôle" dans la gestion de la crise.

Une audience a débuté mardi au tribunal d'Al-Hoceïma pour juger les prévenus qui n'ont pas été transférés à Casablanca, a rapporté la presse marocaine selon laquelle le procès s'est ouvert devant une salle comble, en présence des familles des prévenus et d'une centaine d'avocats, observateurs et militants d'organisations des droits de l'Homme.

Avec AFP