Des centaines d'assaillants djihadistes ont mené mardi un assaut de plusieurs heures contre le camp militaire d'Inates, dans l'ouest du Niger, près de la frontière malienne, infligeant un revers sans précédent à l'armée nigérienne.
Le président nigérien Mahamadou Issoufou est rentré en catastrophe dans la nuit d'une conférence internationale en Egypte sur "la paix durable, la sécurité et le développement", et a présidé à Niamey jeudi matin une réunion du Conseil national de sécurité, dont rien n'a filtré.
Après cette attaque, le président français Emmanuel Macron a annoncé dans la nuit le report à janvier du sommet consacré à l'opération Barkhane et à la force conjointe du G5 Sahel, qui était programmé le 16 décembre.
Il s'agissait de clarifier avec les dirigeants des cinq pays du G5 Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad et Mauritanie) les positions de chacun sur la présence militaire française au Sahel, de plus en plus contestée par les opinions publiques.
M. Macron voulait une rencontre symbolique à Pau (sud-ouest de la France), où étaient basés la majorité des 13 militaires français tués fin novembre en opération au Mali dans une collision d'hélicoptères. Le président français avait essuyé une salve de critiques sur la forme de l'invitation à ce sommet, qui selon beaucoup d'observateurs s'apparentait à une convocation aux relents néo-colonialistes.
Le sommet a été repoussé "pour permettre au président Issoufou et aux autorités nigériennes de faire le deuil et d'assurer les manifestations nécessaires de solidarité à Niamey", a expliqué jeudi le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian devant le Sénat à Paris.
- "Hit and run" -
Passé le choc et la colère, l'attaque d'Inates met clairement en lumière les difficultés des forces armées à lutter contre les groupes djihadistes.
L'attaque menée à Inates est la plus meurtrière depuis le début de l'offensive djihadiste en 2015 au Niger, pays pauvre mais disposant d'importantes ressources en uranium. Au-delà, c'est tout le Sahel - en particulier le Mali, le Niger et le Burkina -, qui est visé par les assauts de plus en plus audacieux de groupes islamistes armés, en dépit de la présence de 4.500 militaires français de la force antiterroriste Barkhane et de forces américaines.
Le Mali a été frappé par une série d'assauts sanglants, au cours desquels plus de 140 soldats ont été tués, provoquant un véritable traumatisme. Le Burkina avait perdu 24 militaires en août, dans un assaut contre la base de Koutougou, également près de la frontière malienne.
Après des attaques de type guérilla "hit and run" (on frappe et on s'enfuit), comme des embuscades montées avec des mines posées le long des routes empruntées par des convois militaires, les groupes djihadistes n'hésitent plus désormais à attaquer de front des postes militaires.
De ce point de vue, l'attaque de mardi est significative: elle était l'œuvre de "plusieurs centaines" de combattants "lourdement armés" selon le ministère de la Défense nigérien, et les combats ont été d'une "rare violence". Les assaillants étaient organisés tactiquement, bien équipés avec des mortiers et des "véhicules kamikazes".
- Appels à la mobilisation internationale -
Les forces étrangères française et américaine ont beau monter en puissance, les djihadistes semblent de plus en plus déterminés malgré des moyens conséquents pour les contenir. Les Français ont promis d'armer leurs drones et sans doute d'en multiplier le nombre à terme.
Plusieurs responsables ont appelé jeudi à renforcer la mobilisation internationale contre les groupes djihadistes au Sahel.
"Il est urgent que nos alliés s'impliquent davantage", a déclaré M. Le Drian, évoquant non seulement les pays sahéliens mais aussi l'Otan et l'Union européenne, "parce que c'est la frontière sécuritaire de l'Europe dont il est question". Il a précisé que seront invités au sommet de Pau le président de la commission de l'Union africaine, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, et le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Moussa Faki Mahamat a de son côté "condamné fermement" l'attaque du Niger, tandis que M. Borrell a appelé à "une réponse plus forte, collective et sur la durée (...) pour éradiquer les causes profondes du terrorisme et de l'instabilité".
Le président tchadien Idriss Deby a pour sa part souligné qu'il fallait "fédérer (les) efforts et poursuivre sans relâche la lutte contre le terrorisme et l'obscurantisme".