Autour de la ville de Dundo, dans l'extrême-nord angolais à quelques kilomètres de la RDC, au moins 20.000 d'entre eux, dont plus d'un tiers d'enfants, selon l'ONU, s'entassent déjà dans trois camps de fortune, dans des conditions d'une extrême précarité.
Après quatre jours de marche, Patrice Ilunga a réussi à rallier avec ses enfants le camp d'accueil de Mussungue. Il est épuisé mais soulagé.
"Nous avons fui dans des conditions très difficiles", raconte-t-il sans fournir d'autres détails. "La situation est si terrible chez nous que des mères font partir leurs enfants seuls par bateau en espérant que les autorités angolaises puissent les secourir".
Depuis août 2016, la région des Kasaï est en proie à de graves violences causées par le soulèvement des partisans d'un chef coutumier local, Kamwina Nsapu, tué par les forces de l'ordre après s'être opposé aux autorités.
Les combats qui y opposent les forces de sécurité et miliciens et les affrontements entre ethnies qui les accompagnent ont déjà fait des centaines de morts et provoqué l'exode de plus d'un million de déplacés, selon les Nations unies.
Rien que le week-end dernier, les forces de sécurité angolaises ont évacué de la zone frontière 1.400 réfugiés, dont des dizaines gravement blessés ou brûlés, qui venaient d'entrer en Angola, a précisé le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).
- 'On n'a plus rien' -
Pour échapper aux exactions, Michael Manguvu n'a lui non plus pas eu d'autre choix que de prendre précipitamment la route avec toute sa famille pour rallier l'Angola voisin.
"Il n'a pas été facile de partir", confie-t-il. "C'est le pays où nous avons construit nos vies, on a été obligés de tout laisser derrière nous entre les mains des rebelles".
A sa tristesse d'avoir laissé sa maison et sa vie derrière lui s'ajoute désormais l'inquiétude du lendemain. Car dans le camp où les autorités angolaises l'ont installé, tout manque. "L'Angola était l'endroit sûr le plus proche, mais on se retrouve ici sans rien".
Les réfugiés débarquent à Mussungue éreintés par des jours de marche, affamés, souvent blessés ou malades. Les premiers arrivés ont trouvé refuge dans des bâtiments en dur. Les autres vivent sous des bâches en plastique ou dorment à la belle étoile, soumis aux pluies et à la chaleur.
Les enfants sont les plus vulnérables. Ici, ils sont décimés par la diarrhée, la fièvre ou le paludisme.
"Nous n'avons ici que deux médecins pour plus de 4.000 réfugiés", déplore François Kamabo, de l'Unicef. "Les enfants meurent, faute de médicaments ou de nourriture, les conditions d'hygiène sont très mauvaises", poursuit-il. "Il arrive que l'on doive partager un kilo de riz pour douze personnes..."
A Dundo, le HCR, l'Unicef et des ONG telles que Médecins sans frontières (MSF) ont dépêché en urgence des équipes pour organiser l'accueil des Congolais des Kasaï.
- L'aide tarde à arriver -
Mais à près de 1.000 kilomètres de la capitale, leur mission relève du cauchemar logistique.
"Nous n'avons que deux médecins de MSF-Espagne qui se trouvaient à Luanda pour l'épidémie de fièvre jaune", indique un responsable de MSF. "Nous sommes arrivés jusqu'ici pour aider mais nous n'avons pas d'équipement", ajoute-t-il. "Nous avons demandé de l'aide mais elle tarde à arriver".
Ces derniers jours, deux avions affrétés par le HCR ont livré à Luanda plusieurs tonnes de matériel d'urgence (couvertures, moustiquaires, matelas, kits de cuisine, bidons).
Sur place, les humanitaires ont commencé à distribuer de la nourriture et à pré-enregistrer les réfugiés, a expliqué son porte-parole dans la région, Markku Aikomus.
Les autorités locales, malgré le renforcement des patrouilles de police le long de la frontière, s'avouent incapables d'endiguer le flot de réfugiés et encore moins de les prendre en charge.
Conséquence: les trois camps temporaires ouverts débordent déjà, selon le HCR.
"On les a accueillis pour leur sauver la vie mais c'est tout ce qu'on peut faire", confie un responsable local sous couvert d'anonymat.
"Nous n'avons pas de médicaments, pas de nourriture, pas de vêtements, rien du tout", s'inquiète lui aussi Claude Mavuya, 34 ans, un des occupants du camp de Mussungue.
"La situation est critique", a résumé cette semaine le gouverneur de la province du Lunda Nord, Ernesto Muangala.
Et le réfugié Claude Mavuya de conclure: "Si le gouvernement angolais ne peut pas nous accueillir, alors il faut que l'aide internationale se mobilise pour nous".
Avec AFP