Le paludisme presque totalement éradiqué aux Comores

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 214 millions de cas de paludisme ont été recensés sur la planète en 2015, faisant 438.000 tués pour l'essentiel en Afrique.

La victoire n'a pas encore été officiellement proclamée mais, de l'avis des autorités sanitaires, l'essentiel est acquis. Et irréversible. Au terme de dix ans d'efforts, l'épidémie de paludisme est en voie de totale éradication sur les trois îles des Comores.

"Avec huit cas à Anjouan en 2015 et trois à Mohéli, on peut dire qu'on est arrivé à la phase d'élimination totale de l'épidémie, même si quelques cas sporadiques sont encore enregistrés à la Grande-Comore", se réjouit le Dr Mbaé Toyb, de l'Association comorienne pour le bien-être de la famille (Ascobef).

Dans la capitale Moroni, le parasite n'est plus qu'un mauvais souvenir. "On peut passer un ou deux mois sans avoir un seul cas", y confirme un soignant de l'hôpital El-Maarouf.

Agriculteur, Hassane Assoumane parle lui aussi du paludisme au passé. "J'étais un abonné au +palu+, une crise par mois, c'était mes menstrues", s'amuse-t-il, "mais depuis quatre ans, plus rien".

Pour lui comme pour les 800.000 habitants des Comores, au large du Mozambique, les conséquences sont énormes.

Baisse des mortalités maternelle et infantile, baisse de l'absentéisme au travail et à l'école et, surtout, un gain financier considérable pour les familles... "Le traitement pour un enfant atteint du paludisme coûte 15.000 francs (30 euros)", souligne Hassane, "si vous ajoutez le frère, le père, la mère..."

Priorités

"Jusqu'en 2004, les Comores étaient classées parmi les pays à transmission intense et pérenne, avec un taux d'incidence de 120 sur 1000, un taux de prévalence de l'ordre de 40%, notamment chez les enfants", rappelle le Dr Toyb.

"Chez les moins de 5 ans, le taux de mortalité (dû au paludisme) était de 0,36%", ajoute-t-il.

En 2005, les Comores, un des pays les plus pauvres du monde, ont lancé un plan d'éradication de la maladie, grâce à une subvention de 2,4 millions de dollars sur cinq ans du Fonds mondial contre le paludisme, la tuberculose et le sida.

Parmi ses priorités, la prise en charge précoce des malades, la prévention chez la femme enceinte, la généralisation des moustiquaires imprégnées et la gratuité des soins.

Mais la clé de son succès fut probablement l'usage d'un nouveau traitement, l'Artequick, une nouvelle combinaison à partir de l'artémisinine, une plante utilisée dans la médecine chinoise.

Une thérapie préventive a d'abord été testée sur Mohéli, la plus petite île de l'archipel (40.000 habitants). "Le résultat fut très concluant, puisque le taux des porteurs de parasites est passé de 23% à 0,33%", explique le Dr Toyb.

Le gouvernement décida alors d'étendre l'expérience à Anjouan en 2012 et à la Grande-Comore un an plus tard. "C'était une décision politique, face aux réticences de certains partenaires dans le domaine sanitaire", tient à souligner le Dr Ahamada Aly Goda, directeur de la planification au ministère de la Santé.

Confirmer

La deuxième campagne, financée à hauteur de 10 millions d'euros sur cinq ans (2010-2015), permit d'assurer une couverture de l'ordre de 91% de la population, avec notamment la distribution d'environ 404.021 moustiquaires imprégnées longue durée.

"Le nombre de cas est passé de 54.078 en 2004 à 1.052 en 2015, soit une chute de plus de 98%", note le Dr Toyb.

"On a enregistré une chute vertigineuse entraînant une baisse d'activité dans les centres hospitaliers, y compris les cliniques privées. C'était avant la première cause des consultations", explique Jean Youssouf, conseiller au ministère de la Santé.

"Depuis 2014, le taux de létalité hospitalière causée par le paludisme frôle la barre des 0%", se félicite le Dr Toyb.

Reste maintenant à graver cette victoire sur le parasite dans le marbre en obtenant la certification de l'OMS.

Contactée par l'AFP, l'organisation n'a pas donné suite.

"C'est la phase la plus délicate", prévient Mbaé Toyb. "Il y a certes une régression de la maladie, mais il n'y a pas de rupture de la transmission (...) il faut affiner la surveillance épidémiologique pour détecter les foyers résiduels de transmission".

Une troisième campagne anti-paludisme (2016-2018) a déjà été lancée à cette fin, appuyée par une équipe de praticiens chinois.

Avec AFP