Il s'agit de la sixième personne soupçonnée d'être impliquée dans ces massacres de masse perpétrés en 1994 pour laquelle le ministère public réclame un procès aux assises.
Dans son réquisitoire d'une centaine de pages, rendu début octobre, le parquet de Paris accuse M. Bucyibaruta, né en 1944, d'avoir ordonné et de s'être rendu complice d'actes de génocide et de crimes contre l'humanité entre avril et juillet 1994, période pendant laquelle les tueries au Rwanda ont fait environ 800.000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi.
Il requiert en revanche un non-lieu partiel concernant l'assassinat d'un gendarme, de trois prêtres et de prisonniers tutsi, estimant ne pas disposer de charges suffisantes pour pouvoir l'accuser de ces crimes.
Il revient désormais au juge d'instruction du pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris de décider d'ordonner ou non le renvoi aux assises de l'ancien préfet de la province Gikongoro (sud), une des régions où les massacres contre les Tutsi furent les plus violents.
Contacté par l'AFP, l'avocat de M. Bucyibaruta s'est refusé à tout commentaire.
Lire aussi : Marine Le Pen "indignée" que la France soutienne la candidate rwandaise"C'est un dossier relativement ancien, puisque la première plainte date de 2000", a pour sa part déclaré à l'AFP Alain Gauthier, le président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), une association qui traque les génocidaires présumés.
Se disant satisfait des réquisitions, il a toutefois souligné qu'il y avait encore "de longs mois à attendre" avant l'éventuelle tenue d'un procès.
- "Rôle actif" -
Pour le parquet de Paris, M. Bucyibaruta, réfugié depuis 1997 en France où il est placé sous contrôle judiciaire, a eu un "rôle actif dans la perpétration du génocide".
En poste avant l'attentat contre l'avion du président Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, qui a déclenché les massacres, le préfet a continué "à exercer ses fonctions et à utiliser son autorité pour mettre en œuvre la politique génocidaire du gouvernement intérimaire", souligne le ministère public dans son réquisitoire définitif, dont l'AFP a eu connaissance.
Lire aussi : La France a "commis une très lourde faute" politique au Rwanda, admet Bernard KouchnerIl a en particulier "contribué largement" à la stratégie de rassemblement des Tutsi à Murambi, ville qui fut le théâtre des "massacres les plus terribles du génocide", en choisissant "d'utiliser son autorité pour encourager les Tutsis, poussés par leur instinct de survie, à se regrouper".
M. Bucyibaruta était également recherché par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), mais celui-ci s'était dessaisi au profit des juridictions françaises. En 2013, il s'était dit préoccupé par la lenteur de la justice française dans le traitement de cette affaire.
Environ 25 dossiers liés au génocide rwandais sont instruits au pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris, créé en 2012 face à l'accumulation des plaintes, plusieurs auteurs présumés s'étant réfugiés en France.
À ce jour, leur travail a débouché sur deux grands procès: celui de Pascal Simbikangwa, condamné définitivement à 25 ans de prison pour génocide, et celui de deux anciens maires rwandais, dont la condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité a été confirmée en appel en juillet.
Lire aussi : Mushikiwabo voit "beaucoup de bonne volonté" chez MacronEn novembre 2017, la justice a ordonné un troisième procès aux assises, visant cette fois Claude Muhayimana, un Franco-Rwandais accusé de "complicité" de génocide pour avoir transporté des miliciens auteurs de massacres. L'appel contre cette décision doit encore être examiné par la justice.
Et en mai 2018, le parquet de Paris a requis le renvoi aux assises de Sosthène Munyemana, un médecin rwandais aussi accusé d'être acteur et complice des massacres.
Le dossier du génocide empoisonne depuis des années les relations entre Paris et Kigali. Signe d'une tentative de réchauffement des liens, la France soutient la candidature de la Rwandaise Louise Mushikiwabo à la tête de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
Avec AFP