Le pasteur frondeur appelle les citoyens à "escalader le mur de la peur" au Zimbabwe

Une image du Pasteur Evan Mawarire, à la tête de la fronde citoyenne au Zimbabwe.

Le pasteur Evan Mawarire, à la tête de la fronde citoyenne contre la crise économique au Zimbabwe, a appelé, dans un entretien à l'AFP, la population à "escalader le mur de la peur" érigé par le président Robert Mugabe, réfutant toutefois l'idée de se lancer en politique.

Interrogé en Afrique du Sud où il est arrivé ce weekend, le pasteur évangéliste a également nié chercher refuge dans ce pays limitrophe du Zimbabwe, assurant qu'il rentrerait "bientôt" à Harare.

"Je sais que ça donne lieu à toutes sortes de rumeurs, genre +il a fui, il est parti se cacher, il cherche l'asile+", a-t-il reconnu lundi depuis Johannesburg, dans un entretien accordé à l'AFP par téléphone.

Son départ du Zimbabwe est en effet intervenu quelques jours après sa brève arrestation à Harare la semaine dernière.

"Dès que j'ai terminé mon travail (en Afrique du Sud), je rentrerai" au Zimbabwe, a-t-il affirmé, sans donner pour autant de date. "Le monde dans lequel j'évolue désormais nécessite que je vienne ici rencontrer des citoyens pour les informer des derniers développements au Zimbabwe et que j'entende leurs avis", a-t-il expliqué, affirmant que son séjour était prévu de longue date.

L'Afrique du Sud, pays le plus industrialisé d'Afrique, abrite une forte communauté zimbabwéenne: plusieurs millions de Zimbabwéens s'y sont réfugiés en raison de la répression et de la crise économique qui perdure depuis le début des années 2000 dans leur pays.

Le pasteur Mawarire se fixe comme mission de "continuer à réveiller les citoyens". Ils "doivent escalader le mur de la peur et se retrouver dans une situation où ils n'ont plus peur de s'exprimer (...). C'est le plus grand rôle (qui m'incombe): faire reculer l'apathie", a-t-il expliqué d'une voix assurée et calme.

Au Zimbabwe, dirigé depuis 1980 par l'autoritaire Robert Mugabe, les voix discordantes se font rares ou disparaissent, comme le militant des droits de l'homme Itai Dzamara dont on est sans nouvelles depuis mars 2015.

Mais ce pays a connu ces dernières semaines une série de manifestations et grèves, les plus importantes depuis des années, dans un contexte de pénurie d'emploi et de nourriture. Environ 90% de la population active n'a pas de travail dans le secteur formel.

"Nous Zimbabwéens avons commencé un voyage que personne ne peut stopper", a assuré le pasteur, soulignant que "personne n'aurait pu imaginer" la tournure des événements.

"Se battre pour la justice"

Encore inconnu du grand public il y a quelques mois, Evan Mawarire s'est imposé comme le leader de ce mouvement inédit au Zimbabwe, baptisé "Le Drapeau". A chacune de ses apparitions, il porte en écharpe le drapeau zimbabwéen, devenu le nouveau symbole de la résistance.

Père de famille de 39 ans affilié à aucun parti, il utilise les médias sociaux pour faire entendre sa voix.

Il a lui-même décidé de prendre la parole, car étranglé par les frais de scolarité de ses deux filles. "Nous sommes dans une situation où il est désormais trop difficile pour chacun de cacher sa bataille personnelle", avait-il expliqué lundi sur la radio sud-africaine 702.

"Si l'on se projette dans l'avenir, je nous vois jouer un rôle dans l'éducation des électeurs" en vue de l'élection présidentielle de 2018, poursuit-il dans l'entretien accordé à l'AFP. Le président Mugabe, 92 ans et plus vieux chef de l'Etat en exercice au monde, a déjà annoncé son intention de se représenter.

Le pasteur Mawarire a cependant exclu de se lancer en politique. "Je ne me sens pas en ce moment appelé à faire de la politique. En tant que pasteur, il est naturel pour moi de me battre pour la justice. Il est naturel de défendre ce qui est juste", a-t-il insisté.

Il a reconnu avoir "peur" pour lui et sa famille. "Alors que je voyageais, un camion rempli d'hommes (...) s'est présenté à mon bureau pour me chercher, (...) puis à mon domicile", a-t-il raconté.

"Dieu protège ma vie et celle de ma famille", et cette croyance, a-t-il conclu, est "essentielle pour rester calme".

Avec AFP