Le respect absolu pour les militaires, un tabou brisé par Donald Trump

Un vétéran écoute le candidat républicain Donald Trump lors d'une conférence des vétérans de guerre étrangères à Charlotte, Caroline du nord, le 26 juillet 2016.

Embarquer dans un avion? Les militaires passent en premier. Au match? Vous saluerez forcément les spectateurs en uniforme à un moment durant la partie. L'Amérique met ses soldats et anciens combattants sur un piédestal unique, révérés même s'ils sont souvent aussi incompris.

Ainsi, en s'en prenant aux parents d'un capitaine musulman de l'armée tué en Irak en 2004, Donald Trump a brisé un tabou absolu: les soldats, anciens combattants et plus encore les familles endeuillées par la perte d'un proche alors qu'il était sous les drapeaux, sont au-dessus de tout reproche.

On peut être en désaccord avec leurs idées, mais on honore leurs sacrifices.

Alexander McCoy, 28 ans, ancien sergent des Marines qui étudie à présent les sciences politiques à l'université de Columbia à New York, a été surclassé en classe affaire ou même en première, a vu bien des inconnus lui offrir une bière ou lui payer son repas. Il bénéficie de réductions dans les cinémas et les parcs d'attraction, uniquement car il est un ancien combattant.

"Je pense que c'est dans la culture aux Etats-Unis de rendre hommage aux militaires", dit-il. "Les Américains créent un mythe autour de la guerre parce qu'ils l'ont très peu vécue ici sur le territoire américain".

Les Etats-Unis, contrairement à beaucoup d'autres pays comme l'Allemagne, où Alexander McCoy a été stationné, n'ont plus connu de conflit sur leur sol depuis la guerre de Sécession entre 1861 et 1865. L'attaque japonaise contre Pearl Harbor en 1941 s'est produite à des milliers de kilomètres du continent et les attentats du 11 septembre 2001 ont été la plus grosse alerte qu'a connue le pays depuis.

Ces attentats, qui ont fait près de 3.000 morts, ont d'ailleurs renforcé le soutien aux militaires, vus comme les défenseurs de l'Amérique.

Le président George W. Bush a envoyé des troupes en Afghanistan, a envahi l'Irak... Les Américains ont accroché des rubans jaunes à leurs voitures, brandi leurs drapeaux et ont fait front derrière leurs militaires.

"L'administration Bush et le gouvernement fédéral d'une manière plus large ont cultivé une sorte de nationalisme populaire après le 11-Septembre pour tout un tas de raisons", explique Michael Allen, professeur d'histoire à la Northwestern University.

"Du bout des lèvres"

Toutefois, les militaires n'ont pas toujours été aussi vénérés: l'opposition à la guerre du Vietnam a été si forte que les vétérans ont été traités de manière abominable, quand bien même 25% des troupes avaient été envoyées dans le cadre du service militaire. Et plus de 58.200 soldats américains sont morts durant ce conflit.

Et si le respect s'est accru envers les militaires --aujourd'hui tous des engagés volontaires-- reste une certaine déconnexion avec le monde civil.

"Les gens respectent les anciens combattants", note Deborah Gahm, dont le mari a servi durant 20 ans en Somalie, en Irak et en Afghanistan notamment. "Mais je ne pense pas que ce soit un profond respect, c'est plus quelque chose en surface. C'est du bout des lèvres à bien des égards".

Pour preuve, les programmes pour aider les anciens militaires à se réinsérer dans la vie civile ont été délaissés et le Congrès envisage de réduire les dépenses pour l'éducation et les logements pour les familles d'anciens combattants.

"Quand on fait des promesses à des gens qui signent un contrat dans le cadre duquel ils peuvent se faire tuer, on doit tenir ces promesses. Il y a des gens qui affirment qu'ils supportent nos troupes, mais dans les faits il n'en est rien", reprend Mme Gahm.

Après avoir vu le manque de considération envers les vétérans du Vietnam, les démocrates ont réajusté leur position et rejoint les républicains dans un soutien inconditionnel aux militaires.

"La leçon apprise par les politiciens à gauche a été que vous ne devez jamais critiquer les soldats et anciens combattants, c'est absolument interdit", souligne encore Michael Allen.

"Vous ne pouvez pas critiquer la famille d'un soldat tombé au combat, c'est quelque chose de complètement tabou".

Un tabou allègrement piétiné par Donald Trump.

Avec AFP