Le rêve d'Europe tue encore au large de la Libye

Plus de 10.600 migrants secourus en 48 heures en Méditerranée mais encore des dizaines de morts: malgré la multiplication des navires de secours au plus près des côtes libyennes, le rêve d'Europe reste extrêmement dangereux.

Depuis le début de l'année, la Méditerranée a englouti au moins 3.500 personnes, "déjà plus que toute l'année dernière", indique à l'AFP le patron de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), William Lacy Swing. "De toute évidence, nos politiques ne marchent pas comme il faut, sinon nous n'aurions pas autant de morts".

A bord de l'Astral, un navire de secours de l'ONG espagnole ProActiva Open Arms croisant au large de la Libye, Aris Messinis, photographe de l'AFP, décrit une aube dramatique mardi: plusieurs canots et un bateau en bois chargés jusqu'à l'inimaginable. Des centaines et des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants en proie à une peur monstre.

"C'était la panique à bord, il y avait des gens qui sautaient à l'eau", témoigne-t-il.

L'Astral n'est qu'un voilier, son rôle est de repérer et sécuriser les embarcations, en distribuant des gilets de sauvetage, en prenant en charge les personnes les plus fragiles et en essayant de maintenir le calme, avant de participer au transfert des migrants vers de plus gros bateaux de secours.

Or, ce mardi, la plupart de ces bateaux sont déjà en route pour l'Italie afin d'y débarquer les plus de 6.000 migrants secourus lundi. L'Astral va en conséquence rester plusieurs heures seul dans le secteur à devoir gérer la situation dramatique de plusieurs embarcations bondées.

Dans la matinée, un avion militaire largue des canots de survie, puis en milieu de journée, le Libra de la marine italienne vient entamer la lente évacuation des migrants, qui s'achèvera vers minuit, avec l'aide d'autres navires arrivés dans l'après-midi et la soirée.

Les images d'Aris Messinis témoignent de ces heures de détresse: des migrants aux yeux fiévreux sautent à l'eau pour tenter de rejoindre des canots de survie, d'autres s'accrochent comme ils peuvent à des bouées.

Un bébé tombé à l'eau est hissé à bord, un petit garçon est porté au-dessus de la foule pour échapper à la bousculade.

Sur un canot, l'horreur est à son comble: un dernier décompte mercredi matin, en présence du photographe de l'AFP, fait état de 19 femmes et 10 hommes morts asphyxiés ou écrasés. Dans la soute du bateau en bois, deux hommes et une femme ont été étouffés.

Avec AFP