Le dépouillement et le décompte des bulletins est terminé dans les bureaux de vote. Mais les résultats provisoires ne seront connus que le 25 avril, en raison des longs délais de compilation et d'acheminement des chiffres, dans ce vaste pays grand comme deux fois la France métropolitaine.
Aucun chiffre n'est connu dans l'immédiat, notamment celui de la participation des quelque 7,3 millions d'électeurs sur 15 millions d'habitants, véritable enjeu de ce scrutin.
Les deux camps crient déjà victoire. L'opposition la plus dure considère que son appel au boycott du scrutin a été suivi. Pour l'opposant historique Saleh Kebozabo qui s'était retiré de l'élection, "les images qui circulent des bureaux de vote désertés par les électeurs marquent une victoire importante pour notre appel au boycott".
L'équipe de campagne de M. Déby s'est elle félicitée dimanche que les Tchadiens aient "massivement participé à cet important exercice démocratique".
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"La participation a été mitigée dans les grandes villes, comme à N'Djamena", nuance lundi Kelma Manatouma, chercheur tchadien en sciences politiques à l'université Paris-Nanterre, qui évoque d'une "guerre de communication" entre le pouvoir et l'opposition.
Dimanche, à Moursal, quartier du Sud de N'Djamena réputé plutôt hostile à M. Déby, assez peu d'électeurs attendaient devant les bureaux, a constaté un journaliste de l'AFP.
Dans un bureau de Mardjadanfac, quartier pro-Déby de la capitale, quelque 141 des 393 inscrits ont voté (soit 35,8%), donnant une majorité écrasante au président sortant, a constaté un journaliste de l'AFP lors du dépouillement.
Le vote s'est déroulé dans le calme à N'Djamena et dans le reste du pays, à l'exception d'une urne brûlée dans un arrondissement de la capitale par un groupe d'individus, a rapporté à l'AFP la présidente du bureau de vote.
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Vote ou non "Deby va gagner"
"J'ai voté Idriss Déby, il va gagner avec 100% des voix, avec une majorité écrasante. Ceux qui appelaient au boycott ne cherchent qu'à destabiliser le pays", estime lundi Mustapha, un chauffeur de taxi de 30 ans.
Le maréchal Déby a fait largement campagne sur la "paix et la sécurité" dont il dit être l'artisan, dans son pays mais aussi dans une région tourmentée: le Tchad, enclavé entre la Libye, le Soudan, la Centrafrique entre autres, est un contributeur de poids au combat contre les jihadistes au Sahel, en projetant des troupes aguerries jusqu'au Mali et parfois au Nigeria.
Mais le bilan économique est peu reluisant. Le Tchad est classé au 187e rang sur 189 selon l'Indice de Développement Humain du programme de l'ONU en 2020. En 2018, 42% de la population vivait sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.
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Dans le grand marché de Dembé, dans le centre-ville de N'Djamena, Valentine, qui a un diplôme de sage-femme, vend des mangues, assise sur le sol poussiéreux. "J'ai voté car c'est mon droit, je ne vous dirai pas pour qui. On se bat chaque jour pour avoir de quoi vivre, on veut un changement", témoigne-t-elle lundi.
"Que tu votes ou non, Déby va gagner", avance de son côté Claude, une étudiante de 31 ans.
Seuls six candidats ont effectivement défié le président Déby, après l'invalidation par la Cour suprême de sept des 16 candidatures déposées, puis le retrait de trois prétendants enregistrés.
"La seule chose qui compte aux yeux de Déby, c'est de l'emporter dès le premier tour avec une participation importante, pour qu'on ne lui objecte pas qu'il a été mal élu", résumait avant le scrutin un diplomate sous couvert d'anonymat.