Dans le township poussiéreux de Mbare près de la capitale, des queues se sont formées devant de larges tentes kaki érigées face aux étals vides du marché. Diana Office, la trentaine aux cheveux courts, est arrivée deux heures à l'avance. "C'est important pour moi de voter", dit-elle à l'AFP. Croit-elle au changement? Elle rit. "Non, je suis seulement là pour exercer mes droits".
A Kwekwe (centre), le président sortant Emmerson Mnangagwa, 80 ans, cheveux teints et écharpe aux couleurs du pays, a déposé son bulletin, entouré de nombreux partisans. "Avec mon vote, j'espère que la mairie va me donner un bon travail et que mon président va bien gouverner", commentait Freddy Kondowe, chômeur d'une quarantaine d'années. "Je me suis levée tôt pour voter pour notre vieux", lance sa voisine qui ne veut pas donner son nom, une marque noire sur son petit doigt comme preuve de son vote.
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Les résultats du vote – présidentiel, législatif et municipal – doivent être publiés dans les cinq jours suivant le scrutin. L'opposition, historiquement forte dans les villes, espère engranger un vote protestataire ancré dans une grogne croissante liée à une économie sinistrée, marquée par un chômage record et l'hyperinflation.
Mais le président Mnangagwa et son parti la Zanu-PF, au pouvoir depuis l'indépendance en 1980 de ce pays enclavé d'Afrique australe, semblent déterminés à s'accrocher au pouvoir.
Leur principal rival Nelson Chamisa, avocat et pasteur de 45 ans, s'est cassé la voix lors de son dernier meeting à Harare lundi, devant une foule parée de jaune, la couleur de sa Coalition des citoyens pour le changement (CCC). "Plus de cent rassemblements ont été interdits mais Dieu dit que c'est le moment pour moi d'être président", a hurlé cet homme svelte, moustache fine et chemise dorée. "Nous allons gagner cette élection" et même "largement", a-t-il pronostiqué.
Craintes de fraudes
"Le pays est calme" affirmait à la veille du scrutin le porte-parole du gouvernement, Nick Mangwana. En 2018, l'armée avait tiré à balles réelles contre des manifestants contestant l'élection du président Mnangagwa, tuant six personnes. "Je souhaite simplement que chaque Zimbabwéen accepte le choix du peuple", a-t-il ajouté auprès de l'AFP. Comme si les jeux étaient faits.
Le président a promis inlassablement un scrutin équitable et sans violence. Mais "la Zanu-PF est inarrêtable. La victoire est certaine", a-t-il lancé samedi lors de son dernier meeting. Les Zimbabwéens sont plongés depuis des années dans une crise économique dont ils ne voient pas le bout.
"Les routes ne sont pas bonnes, les écoles ne sont pas bonnes, notre économie n'est pas bonne", a énuméré auprès de l'AFP Tendai Kativhu, charpentier de 37 ans. Mais après des mois d'une campagne marquée par l'intimidation et des arrestations d'opposants, dans un pays accablé par une longue histoire d'élections entachées d'irrégularités, peu croient que Nelson Chamisa, surnommé "le jeune homme" par contraste au président octogénaire, sortira vainqueur.
Human Rights Watch a prédit un "processus électoral gravement défectueux". Et de sérieuses irrégularités ont été constatées sur les listes électorales, par l'opposition comme par des organisations de la société civile, suscitant aussi des craintes de fraude lors du décompte des bulletins.
Ces inquiétudes sont "le fruit d'une imagination débordante", a balayé auprès de l'AFP Rodney Kiwa, vice-président de la Commission électorale (ZEC). "Nous sommes prêts. S'il y a des problèmes, nous les réglerons". L'économie est au cœur des préoccupations des 6,6 millions d'électeurs. L'inflation était de 101% en juillet, selon les chiffres officiels.
Pour le politologue zimbabwéen Brian Kagoro, si la campagne n'avait pas été si biaisée à l'encontre de l'opposition, c'était "l'élection la plus gagnable" pour elle depuis 15 ans. Le président est élu à la majorité absolue. Si aucun candidat ne remporte 50% des voix plus une, un second tour est organisé.