Sauf surprise, ce premier tour de piste ne devrait pas déboucher sur un accord, rendu d'autant plus difficile par le Brexit, puisque ce budget 2021-2027 devra se passer de la contribution du Royaume-Uni (entre 60 et 75 milliards d'euros sur 7 ans), qui en était le deuxième contributeur après l'Allemagne.
La chancelière allemande Angela Merkel, dont le pays est celui qui va combler la plus grosse part du trou du Brexit, a prédit des "négociations très dures et compliquées".
"Lors d'une première réunion, il est normal que les Etats membres affichent des positions dures vis-à-vis de leurs opinions publiques. Trouver un compromis sera encore plus compliqué que d'habitude en raison d'une rigidité accrue des positions et du trou du Brexit", prévoit Marta Pilati du European policy centre (EPC).
Lire aussi : Au Royaume-Uni, le nouveau système d'immigration post-Brexit inquièteLes 27 vont devoir s'entendre sur le niveau du budget, de l'ordre de 1.000 milliards d'euros, qui sera de toute façon inférieure au précédent CFP (cadre financier pluriannuel de 2014-2020) et sur sa ventilation (agriculture, aides aux régions les plus défavorisées, lutte contre le changement climatique, numérique...).
Sans oublier les rabais, une pratique qui bénéficie aujourd'hui à 5 pays - Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Autriche et Suède -. Les autres, France en tête, voudraient y mettre fin à la faveur du départ du Royaume-Uni puisque c'est ce pays qui l'a inauguré en 1984, après le tonitruant "I want my money back" (rendez-moi mon argent) de Margaret Thatcher.
Sur le premier front, le groupe des "frugaux" (Autriche, Pays-Bas, Danemark, Suède) ne veut pas que le niveau total du budget dépasse 1% du revenu national brut (RNB) de l'UE. Certains y associent l'Allemagne dont la position est un peu moins dure.
La Commission, qui a notamment pour priorités la lutte contre le changement climatique et le numérique, voudrait 1,114%.
Lire aussi : UE: la bataille du budget post-Brexit est lancéeQuant au président du Conseil, Charles Michel, qui a multiplié les rencontres bilatérales, sa proposition de compromis de 1,074% sera au coeur du sommet extraordinaire.
"Tout est sur la table. Faire durer ne rendra pas les choses plus faciles. Il est temps de décider", a-t-il averti à la veille du sommet alors qu'est évoquée une possible prolongation de la réunion jusqu'au week-end.
Cette bataille de pourcentages a son importance car 0,01 point représente plus de 10 milliards d'euros.
- "Défaillance de l'ambition" -
Le deuxième front est celui de la répartition, sachant que 60% environ du budget est consacré à l'agriculture et à la politique de cohésion (l'aide aux régions les moins développés).
Ces deux enveloppes accusent une baisse globale de près de 100 milliards d'euros par rapport au dernier budget.
La France est en première ligne sur la Politique agricole commune (PAC), suivie notamment par l'Espagne, actuellement sous la pression de manifestations d'agriculteurs.
Paris exige sa "revalorisation", une "priorité absolue". Quant aux pays de l'est et du sud réunis au sein des "amis de la cohésion", ils veulent que cette politique soit maintenue au même niveau.
"Après le Brexit, nous avons décidé une relance de notre projet commun. Et à la première occasion de concrétiser, on a des moyens financiers au rabais. Nous sommes devant une défaillance de l'ambition collective", regrette un diplomate européen.
"Le plan A, c'est un budget à 1% et le rabais, le plan B idem", a déclaré de son côté un autre diplomate du camp opposé, celui des "frugaux".
Dans ce concert de critiques, le projet de Charles Michel apporte deux nouveautés. Pour la première fois, un lien a été établi entre le versement de fonds européens et le respect de l'Etat de droit, que la Pologne et la Hongrie sont accusées de violer.
En plus des contributions, la proposition renforce aussi les ressources propres de l'Union avec une "taxe" sur les plastiques non-recyclés et des revenus issus du marché du carbone.