Les Algériens dans la rue pour un 13e vendredi consécutif contre le "système"

Manifestation des Algériens contre le régime de Abdelaziz Bouteflika, le 22 mars 2019.

Une importante foule a défilé dans le centre d'Alger pour un 13e vendredi consécutif de manifestations dans le pays, où la fatigue liée au mois de jeûne du ramadan n'a pas entamé la mobilisation.

Difficile à évaluer en l'absence de comptage officiel, celle-ci semblait à Alger peu ou prou comparable à celles des semaines précédentes.

Le cortège a commencé à se disperser peu après 17H00 (16H00 GMT), en chantant "bon ftor (repas de rupture du jeûne), au revoir et à vendredi prochain", sans incident, alors que la journée avait commencé dans la tension dans la capitale.

Des foules nombreuses ont également marché sans incident à Oran, Constantine et Annaba, 2e, 3e et 4e villes du pays, et d'autres villes du pays, selon le site d'information TSA (Tout sur l'Algérie).

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L'agence de presse officielle APS a recensé des marches dans 29 des 48 régions d'Algérie, précisant que dans les régions du centre et du sud du pays, où les températures dépassent les 35° dans la journée, des défilés étaient prévus en fin d'après-midi ou dans la soirée.

Déployée en nombre depuis le début de la matinée à Alger, la police a lutté plusieurs heures pour interdire l'accès au parvis et aux marches de la Grande Poste, lieu de ralliement de la contestation dans la capitale depuis le début du mouvement le 22 février.

"Honte à vous policiers", criaient les manifestants, dans une ambiance tendue, marquée par quelques bousculades mais sans heurts sérieux.

Les pulvérisations de gaz lacrymogène n'ont pas suffi à éloigner et dissuader les manifestants et les policiers en tenue anti-émeutes ont finalement dû céder sous la pression croissante d'une foule de plus en plus nombreuse et déterminée à reprendre ce "territoire" symbolique de la contestation, selon un journaliste de l'AFP.

Les policiers ont finalement quitté les lieux sous les sifflets de la foule. La wilaya (préfecture d'Alger) a justifié l'interdiction pour des raisons de sécurité, affirmant qu'une expertise avait révélé des faiblesses structurelles dans l'escalier du parvis.

Une dizaine de personnes ont été secourues par des volontaires, la plupart victimes de malaises dus à la chaleur et au jeûne, selon un photographe de l'AFP.

- "Pas d'Etat militaire" -

Des barrages filtrants installés dès la matinée par les forces de l'ordre sur certains axes routiers menant à Alger, selon le récit d'Ali, commerçant venu de Bordj Menael, à 60 km à l'est de la capitale, n'ont pas empêché les manifestants d'envahir les rues du centre-ville.

Malgré un dispositif similaire, la mobilisation est restée massive à Bordj Bou Arreridj, localité particulièrement mobilisée depuis le début du mouvement du 22 février, à 150 km au sud-est de la capitale, selon des médias algériens.

"Non aux élections" prévues le 4 juillet pour élire un successeur au président Abdelaziz Bouteflika, pouvait-on lire sur certaines pancartes. Après 20 ans à la tête de l'Algérie, l'ancien chef de l'Etat a été contraint de démissionner le 2 avril sous les pressions conjuguées du mouvement inédit de contestation et de l'armée.

"On ne votera pas!", ont scandé les manifestants, réclamant également à hauts cris "un Etat civil, pas d'Etat militaire", alors que l'armée est revenue au centre du jeu politique après avoir contribué de façon décisive au départ du président Bouteflika, faisant de facto de son chef d'état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, l'homme fort du pays.

"Gaïd Salah dégage !", ont aussi scandé les manifestants à Alger, lui reprochant, outre son soutien durant 15 ans au président Bouteflika, son refus de toute autre sortie de crise que la présidentielle du 4 juillet, dans laquelle ils voient un moyen pour les héritiers du régime de maintenir, à la faveur de fraudes, le "système" au pouvoir.

- "Fuite en avant" -

Les manifestants exigent avant tout scrutin le départ de toutes les figures associées à M. Bouteflika, en tête desquelles le président par intérim Abdelkader Bensalah et le Premier ministre Noureddine Bedoui, deux apparatchiks, mais aussi le général Gaïd Salah, au bénéfice de structures ad hoc pour gérer la transition.

"Le mouvement populaire pacifique n'est pas près de s'essouffler" car "le pouvoir s'accroche malheureusement à l'organisation des élections le 4 juillet", a assuré vendredi, dans un entretien à TSA Abdelouahab Fersaoui, président du Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), une organisation citoyenne en pointe dans la contestation.

Vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH), Saïd Salhi a de son côté dénoncé une "fuite en avant" du pouvoir, qui n'a "aucune vision", et qui "temporise et joue sur l'usure".

Maintenir "les élections pour le 4 juillet, cela revient à exacerber les tensions et à accentuer la crise", a-t-il expliqué à TSA.

Il a également vu dans les récentes convocations et arrestations par la justice d'anciens responsables politiques et d'hommes d'affaires, une volonté de "dévier" le mouvement de ses revendications.

Jeudi, deux proches de M. Bouteflika, Abdelmalek Sellal, Premier ministre entre 2014 et 2017, Ahmed Ouyahia, trois fois chef du gouvernement sous sa présidence, la dernière fois jusqu'en mars 2019 et plusieurs anciens responsables ont été entendus par un tribunal d'Alger, dont ils sont ressortis libres.