Les Cubains redoutent un "retour en arrière" avec l'élection de Trump

Le 27 février 2015, Josefina Vidal, directrice général du ministère des affaires étrangères à Cuba donne une conférence de presse à Washington.

"Coup dur", "pas en arrière", les Cubains redoutaient mercredi de voir réduits à néant les efforts de rapprochement entre leur pays et les Etats-Unis, après la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine.

Dans le centre-ville de La Havane, l'élection surprise du magnat de l'immobilier était sur toutes les lèvres.

"Depuis le début de la campagne, sa position sur Cuba est de revenir sur tout ce qu'Obama a fait. Pour nous c'est un pas en arrière", se désole Guillermo Sarzo, un réparateur de montres anciennes de 62 ans qui se dit inquiet de la personnalité "très imprévisible" de Trump.

Hasard du calendrier ou provocation, en guise de première réaction, le gouvernement de Raul Castro a annoncé dans la presse d'Etat la tenue prochaine de nouveaux exercices militaires "stratégiques" visant à faire face à une éventuelle invasion.

Si ces manoeuvres ne sont pas exceptionnelles, le moment choisi pourrait augurer d'une crispation de la relation entre les ex-ennemis de la Guerre froide quand Trump arrivera au pouvoir en janvier prochain.

Depuis fin 2014, Washington et La Havane sont engagés dans un rapprochement historique sous l'impulsion de l'administration Obama.

Donald Trump a d'abord soutenu ce dégel, mais une fois en campagne, il a affiché des réserves, regrettant que le président démocrate n'ait rien obtenu en échange des assouplissements à l'embargo consentis par la Maison Blanche.

Le mois dernier, il a même affirmé qu'il ferait "tout pour obtenir un accord solide" avec La Havane, laissant ainsi présager d'un retour en arrière.

"Pire scenario"

Une perspective calamiteuse pour nombre de Cubains, qui ont vu avec Obama le retour des compagnies aériennes et croisiéristes américains sur l'île, ainsi que la levée de plusieurs dispositions de l'embargo financier et commercial imposé à l'île depuis 1962.

"Il y a eu une ouverture commerciale qui bénéficie au peuple cubain. Je pense que (cette élection) va nous ébranler", redoute Guillermo.

Trump, "comme président des Etats-Unis (...), peut dresser un mur pour que les choses mises en place avec Obama ne se réalisent pas", abonde Marcos Creach, 27 ans. Comme beaucoup d'autres, ce petit entrepreneur privé qui répare les téléphones mobiles avoue avoir "peur" et ne cache pas son aversion pour la personnalité du futur président américain.

Jose Shafre, conducteur de tricycle de 52 ans, guette les touristes au coeur de la vieille Havane. Il a veillé mardi soir jusqu'aux résultats, et se dit encore hébété après une courte nuit de sommeil.

"Pour nous ce n'est pas une bonne nouvelle (...) les Latinos n'intéressent pas Trump", tranche-t-il, évoquant les "mauvaises paroles" du milliardaire à l'encontre des migrants mexicains.

A La Havane, de nombreux Cubains ont convergé vers les zones wifi pour évoquer ce séisme politique avec leurs proches résidant aux Etats-Unis. Parmi eux, Alison Taylor, étudiante en épidémiologie de 18 ans, se dit effondrée.

"Cela m'a surprise, pour moi c'est le pire (scénario), cet homme n'a aucun scrupule, c'est un fasciste, pour moi c'est une personne horrible", confie-t-elle à l'AFP.

Pour Michael Shifter, président du groupe d'études américain Inter-American Dialogue, la victoire de Trump est sans conteste "un coup dur" pour les partisans du dégel, même si Cuba ne semble pas faire partie de ses priorités.

"Même si Trump n'a pas donné beaucoup de détails sur la manière dont il appliquera sa politique envers Cuba, il est clair qu'il ne suivra pas le chemin de l'administration Obama". Mais pour être véritablement fixé sur ses intentions vis-à-vis de Cuba et d'autres pays comme le Venezuela, M. Shifter explique qu'"il faudra attendre les premiers mois de 2017".

Trump "a démontré qu'il dit une chose aujourd'hui et une autre demain. Pour moi il n'est pas bien dans sa tête. Il faut attendre de voir ce qui se passe", juge pour sa part l'horloger Guillermo.

Avec AFP