Ils ont été "délocalisés" pour du cobalt à Kolwezi, dans le sud-est de la RDC

Les creseurs artisanaux trient les minérais, sur la route entre Kolwezi et Lubumbashi, le 15 février 2018.

Début 2014, un habitant a trouvé du cobalt par hasard en creusant une fosse septique - ou un puits, les versions divergent - sur son terrain du quartier résidentiel de Kasulo à Kolwezi, au cœur de la ceinture minière du sud-est de la République démocratique du Congo.

Quatre ans plus tard, quelque 600 familles ont été délocalisées et indemnisées, et leurs maisons rasées pour laisser place à la société minière chinoise Congo Dongfang international mining (CDM) sur le site de Kasulo.

Entre ces deux dates, le cours du cobalt a triplé, boosté par la demande des fabricants de voitures électriques.

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Les habitants de Kasulo s’étaient transformés en petits "creuseurs" (mineurs artisanaux) pour extraire le précieux minerai.

Dans un rapport de 2016, Amnesty international s’était ému de leurs conditions de travail, interpellant les grandes marques (Apple, Tesla, Samsung) qui utilisent du cobalt.

"Ce rapport a servi de motif pour justifier l’empressement et la maladresse avec lesquels le gouvernement provincial a lancé la délocalisation de Kasulo", affirme un collectif de la société civile dans un pré-rapport d’enquête à paraître bientôt.

En avril 2017, le gouverneur de la province de Lualaba, l’ex-ministre de l’Intérieur Richard Muyej, a interdit l’exploitation à Kasulo, expliquant vouloir "assainir le processus de production artisanale".

A cette occasion, le gouverneur avait félicité l’entreprise CDM parce qu’elle s’engageait à "négocier la délocalisation des communautés concernées vers des nouveaux sites selon les modalités acceptées par tous".

En août, le gouvernement provincial a institué une "Commission provinciale de délocalisation", qui a fait signer aux habitants des "actes d’indemnisation irrévocables".

Un propriétaire a eu un délai de dix jours pour démolir toutes ses constructions, selon un exemplaire consulté par l’AFP. "Les 600 ménages ont reçu entre 1.500 et 10.000 dollars", affirme un membre de la société civile.

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Absence de concertation, montant des indemnités fixées unilatéralement, maisons sous-évaluées, quelques cas de personnes non-indemnisées, promesse de relogement difficilement tenues de Kasulo vers le site de Samunkida: les doléances sont nombreuses.

- 'En sursis' -

"La délocalisation de Kasulo s’est déroulée avec succès. Que les mécontents reviennent au ministère des Mines et nous allons trouver une solution pour eux", a répondu ce vendredi à l’AFP un porte-parole du gouvernement provincial, refusant de communiquer sur le montant que CDM a mobilisé pour les délocalisations.

"On se demande, quelle est la nature et le contenu du contrat entre CDM et la province", s’interrogeait fin août le collectif de la société civile dans un communiqué sur les délocalisations.

CDM est la filiale et le fournisseur du premier raffineur mondial de cobalt, Zhejiang Hayou cobalt.

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"Huayou Cobalt est actionnaire minoritaire dans l’importante joint-venture Sicomines entre l’entreprise congolaise publique d’exploitation minière Gécamines et un consortium de sociétés chinoises", et sa filiale CDM est liée "au gouvernement de la RDC", écrivait Amnesty dans son rapport de 2016, affirmant que CDM "a contribué à hauteur de 20.000 dollars à la campagne électorale du président Joseph Kabila en 2011".

Les délocalisations touchent d’autres quartiers comme celui de Gécamines, dont les petites maisons en pierre rappellent les corons du nord de l’Europe.

Des maisons attribuées il y a plusieurs décennies aux cadres de la Gécamines, la société publique des mines. Elles sont à leur tour en sursis face à l’extension des mines et carrières d’une autre entreprise chinoise, Commus.

Ancien de la Gécamines, Robert Mombwé est prêt à quitter la maison qu’il occupe depuis 30 ans, à condition d’être relogé à la même enseigne: "Si vous avez une maison de quatre pièces, il faut qu’on vous construise une maison de six pièces".

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D’autres habitants ont préféré vendre leur maison, pour des sommes allant jusqu’à 40.000 dollars.

La société minière Ruashi Mining a aussi conclu des "actes transactionnels d’indemnisation irrévocables" dans le quartier Bel-Air.

"Certes, le pays a besoin d’investisseurs et l’on peut comprendre que certains opérateurs miniers jouissent des faveurs de la part des politiques mais il faut aussi relever que les populations ont des attentes", écrit le pré-rapport d’enquête de la société civile qui conclut: "Au regard des plaintes des populations délocalisées, la province comme les entreprises CDM, Ruashi Mining et Commus n’ont pas respecté les droits de l’Homme tels que garantis aux populations délocalisés".

Avec AFP