Les mariages palestiniens, une fête qui fait mal au porte-monnaie des invités

Des petites filles posent pour une photo lors d'un mariage dans la ville de Gaza, le 30 juillet 2016.

Avec l'été, les mariages se multiplient dans les Territoires palestiniens. Pour le grand bonheur de ceux qui convolent mais pas toujours pour celui des invités, contraints de verser une contribution financière souvent douloureuse.

La tradition du "naqout" veut que les invités mettent la main à la poche pour aider la famille des mariés à financer leur union.

A leur arrivée, les convives s'emparent d'une enveloppe dans un tas disposé à cet effet auprès de boîtes en bois stratégiquement disposées à l'entrée. Ils y glissent des billets et, généralement, signent l'enveloppe avant de l'introduire dans la boîte.

Rien n'oblige à donner, sinon la perpétuation de la coutume, la pression sociale et la honte qui pourrait rejaillir sur quiconque ignorerait les boîtes, passage obligé pour accéder à la table du banquet.

Seulement, l'usage peut éprouver le porte-monnaie et le sens des relations sociales quand, à la faveur des vacances ou des retours pour quelques semaines des Palestiniens vivant à l'étranger, l'activité nuptiale bat son plein.

Mourad Chriteh par exemple hésite maintenant à accepter de nouvelles invitations.

"En deux semaines seulement", le naqout lui a coûté 400 dollars, presque la moitié de son salaire, dit ce fonctionnaire de 46 ans lors d'une fête de mariage. "J'ai déjà reçu plusieurs invitations pour août, mais je pense que je vais en refuser", dit-il.

Les invités donnent en fonction de leurs moyens, souvent entre 15 et 25 dollars, mais parfois bien plus. A raison de centaines de convives à chaque mariage, la somme récoltée peut être rondelette.

Un acte solidaire

Sans le naqout, difficile de financer des noces dignes de ce nom. Un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté dans les Territoires palestiniens. Mais la tradition impose de célébrer en grandes pompes car cette fête et l'annonce du mariage à la communauté valident l'union, selon le rite musulman.

Plus de 25.000 mariages sont célébrés chaque année en Cisjordanie occupée, selon des chiffres officiels.

Il faut organiser un repas pour les invités, payer un chanteur et son groupe ainsi qu'un photographe. Les plus généreux vont jusqu'à offrir à chaque invité un keffieh, le foulard traditionnel palestinien, ou un chapelet.

Dans certaines familles aisées, l'ensemble peut coûter jusqu'à 30.000 dollars à l'organisateur, généralement le père du marié. Dans les milieux plus modestes, en général, on peut s'en tirer pour une dizaine de milliers de dollars, en comptant sur le naqout pour se refaire.

Khaled Abdallah, 50 ans, a fait ce pari lorsqu'il a récemment marié son fils dans son village proche de Ramallah, en Cisjordanie.

Il a récupéré les 10.000 dollars qu'il avait engagés grâce aux contributions de ses invités. Pendant des années, dit-il, il a ouvert son portefeuille pour les enfants des autres. A son fils à présent d'en profiter. "Le naqout est une tradition qui perdure parce qu'elle relève de la solidarité", dit-il.

Le naqout est un héritage de l'ancienne société tribale, explique Majdi al-Malki, professeur de sciences sociales à l'université de Bir Zeit en Cisjordanie.

Un "prêt tournant"

"C'est une forme de couverture sociale qui se présente comme un don mais qui est en fait un moyen pratique et utile de partager les frais liés au mariage", dit le sociologue.

Tout comme l'ancestrale solidarité persiste entre agriculteurs et cultivateurs d'un même village à l'heure des récoltes auxquelles tous participent, les cadeaux de mariage sont "une sorte de prêt tournant entre les gens", dit-il.

Dans certaines régions, les dons sont exposés aux yeux de tous: les billets accrochés en guirlande sont triomphalement portés autour du cou du marié, porté à bouts de bras par ses proches au milieu des invités. "C'est une façon de montrer sa fierté, d'exhiber l'ampleur des dons" et de remercier les donateurs, dit M. Malki.

Ceux qu'on a aidés aideront à leur tour, escomptent les donateurs. C'est aussi à cela que servent les noms sur les enveloppes.

Il arrive cependant que des indélicats cherchent à se tirer d'affaire en insérant une enveloppe vide et anonyme.

"J'ai reçu des enveloppes vides sans nom", raconte sous le couvert de l'anonymat un père qui a récemment marié son fils, "mais grâce à des enregistrements vidéo, j'ai su qui c'était". "Je ne les oublierai pas lorsque viendront les mariages de leurs proches", promet-il.

Avec AFP