Les Nyamitwe, deux frères au coeur pouvoir burundais

Alain Nyamitwe, le frère de Willy Nyamitwe, le responsable de la communication présidentielle du Burundi, à Bujumba, Burundi, le 2 juin 2016.

Willy Nyamitwe, le responsable de la communication présidentielle du Burundi, qui a échappé à une tentative d'assassinat, est avec son frère Alain-Aimé, ministre des Relations extérieures, l'interface entre un pouvoir replié sur lui-même et le reste du monde.

Figures publiques du régime, Willy et son aîné Alain-Aimé sont sur tous les fronts, pourfendant toute pensée jugée iconoclaste ou portant la "bonne parole" de Bujumbura à travers le monde.

Cette omniprésence déchaîne les passions. Perçus comme des "hommes providentiels" et adulés par le camp du président Pierre Nkurunziza, ils sont considérés comme des "esprits retors" et honnis par l'opposition.

"C'est la providence qui nous les a donnés en cadeau car sans eux le pouvoir serait aujourd'hui à genoux (...) face à une communauté internationale et des médias très hostiles", estime un haut cadre du parti au pouvoir.

Mais les deux frères tempèrent. "Contrairement à ce que l'opinion croit, ce n'est pas nous qui portons le président Nkurunziza. Nous sommes plutôt des technocrates, chacun dans son secteur", rectifie Willy.

Même leurs détracteurs en conviennent, les deux frères sont des travailleurs infatigables. Intelligents de l'avis de tous, ils sont aussi vus comme "de grands cyniques" par un opposant.

Alain-Aimé "mène la vie dure aux ambassadeurs depuis qu'il est en poste", explique un diplomate, sous couvert de l'anonymat. "Il nous fait tout le temps des remontrances, donne des directives..."

Il est "parvenu à mettre de l'ordre dans un groupe où les Occidentaux faisaient ce qu'ils voulaient avant lui", se félicite un de ses proches.

Comme pour la grande majorité des cadres du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, "l'histoire des deux frères s'explique par la grande tragédie de 72", analyse Innocent Muhozi, figure de la presse burundaise aujourd'hui en exil, en référence aux massacres interethniques de 1972 qui auraient emporté plus de 100.000 Hutu.

Alain-Aimé est né en 1971 et Willy en 1972, "une année sombre qui correspond au génocide des Hutu" où ils perdent leur père, explique le cadet des deux frères.

Leur vie bascule alors: ils sont chassés de leur maison de Ngagara, dans le nord de Bujumbura, et tous leurs biens sont confisqués.

Fidélité à Nkurunziza

Ils grandissent dans des conditions difficiles, "sans haine" des Tutsi, assure-t-il, malgré ce que disent leurs nombreux détracteurs.

Willy adhère au Palipehutu-FNL, le premier mouvement rebelle hutu du Burundi, à seulement 15 ans, et participe en 1991 et 1992 aux premières attaques en provenance du Rwanda. C'est un échec.

Déçu par la stratégie de ses chefs, il réintègre l'école secondaire technique de Kamenge. Son grand frère poursuit des études classiques en militant au sein du parti hutu Frodebu, qui remporte les premières élections libres en 1993.

L'assassinat cette année là du premier président démocratiquement élu, le Hutu Melchior Ndadaye, dans une tentative de coup d'état menée par l'armée alors dominée par la minorité tutsi, plonge le Burundi dans la guerre civile.

Willy se réfugie au Congo voisin et Alain-Aimé se retrouve en prison, "faussement accusé" - assure-t-il - d'assassinat, après des incidents qui conduisent à un massacre d'étudiants hutu à l'Université du Burundi. Il s'exile ensuite en Belgique, où il poursuit des études de journalisme.

Tous les deux intègrent alors la principale rébellion hutu du Burundi, le CNDD-FDD aujourd'hui au pouvoir. Pas dans les unités combattantes, assure Willy, malgré la zone d'ombre qui recouvre cette période de sa vie.

Alain-Aimé revient au Burundi après la signature de l'accord de cessez-le-feu entre le gouvernement et le CNDD-FDD, en 2003, pour faire carrière dans la diplomatie.

Willy est un touche-à-tout: tour à tour homme d'affaires, membre de la société civile, simple conseiller à la présidence ou promoteur d'une radio du pouvoir, ce père de quatre enfants (tout comme son frère) s'est imposé comme le véritable patron de la communication au Burundi.

Il donne la mesure de sa fidélité à Pierre Nkurunziza lors de la tentative de coup d'état des 13 et 14 mai 2015. Il défend contre vents et marées le président sur les radios et télévisions du monde entier, même lorsque la situation paraît désespérée.

"Je n'ai fait que mon devoir en défendant de toute mes forces notre démocratie et un président élu", justifie-t-il alors.

Depuis, les deux frères sillonnent la planète et occupent les réseaux sociaux, tentant de changer l'image d'un régime régulièrement accusé de graves violations des droits de l'homme et de plus en plus isolé sur la scène internationale.

Avec AFP