Pour rendre hommage aux pionniers de la révolution d'Atbara à 350 kilomètres de Khartoum, un train rempli de centaines de personnes est parti de Bahri près de Khartoum, en direction de la ville ouvrière du nord-est qui avait été le théâtre en décembre 2018 des premiers rassemblements après l'annonce soudaine du triplement du prix du pain.
Chantant, dansant et portant des drapeaux soudanais, les participants sont montés dans le train qui s'est vite révélé complet, a constaté un journaliste de l'AFP. Pour les personnes restées à quai et désireuses de se rendre à Atbara les autorités ont prévu plusieurs bus et un autre train, parti peu après tout autant chargé de passagers
Lire aussi : Le Premier ministre soudanais évoque des "progrès" vers le retrait d'une liste noire américaineLimia Osman, 23 ans, en t-shirt et pantalon, brandit un drapeau national. En montant dans le train, elle affirme vouloir "dire merci" aux manifestants d'Atbara.
Cet événement symbolique, organisé par le gouvernement de transition et les Forces pour la liberté et le changement (FLC), principale organisation de la contestation, fait écho aux trains de manifestants d'Atbara envoyés à Khartoum durant la contestation.
Les manifestants sont invités à rester sur place jusqu'au 25 décembre, pour une semaine entière de festivités.
- Célébrations de joie -
A Khartoum, plusieurs quartiers accueilleront jeudi soir des célébrations. Le grand jardin Green Yard, rebaptisé "place de la liberté", sera l'un des principaux lieux des festivités.
"Le gouvernement de la révolution soudanaise va célébrer l'anniversaire de la révolution pacifique durant tout le mois de décembre", a de son côté récemment promis le Premier ministre Abdallah Hamdok, nommé après de longues négociations entre l'armée et les contestataires.
Lire aussi : Soudan: le parti de Béchir dissous, son régime "démantelé"Jeudi matin, dans la capitale, l'armée a barré les voies d'accès à son quartier général, haut lieu de la contestation où les manifestants avaient organisé un sit-in des semaines durant pour faire pression sur les militaires en faveur d'un régime civil.
Des dizaines de personnes ont été tuées dans la répression du mouvement --notamment lors d'un massacre le 3 juin devant le QG de l'armée--, au moins 177 au total selon Amnesty et plus de 250 d'après un comité de médecins proche des manifestants.
En décembre 2018, les premières manifestations avaient éclaté à Atbara, ainsi qu'à Port-Soudan, principal port du pays situé à 1.000 km à l'est de la capitale, et à Nhoud (ouest).
Des affrontements violents avaient opposé les manifestants à la police. Puis le mouvement avait gagné d'autres régions du pays, dont Khartoum.
L'armée avait destitué Omar el-Béchir le 11 avril, en s'efforçant toutefois de garder la mainmise sur la transition, mais se heurtant à un rejet déterminé de la rue.
Lire aussi : Soudan: "l'impunité" doit cesser pour les auteurs de crimes au Darfour (ONG)A la suite d'un accord conclu en août entre l'armée et la contestation, le pays est dirigé par un gouvernement de transition, avec un Premier ministre civil et un Conseil souverain composé de civils et de militaires, chargé de conduire le processus durant trois ans, en vue d'élections libres.
- "Avenir meilleur" -
M. Béchir, détenu depuis avril à Khartoum, a lui été condamné samedi dernier pour la première fois à une peine de deux ans en institution pénitentiaire pour corruption.
L'ex-dictateur reste la cible de graves accusations de la part de la Cour pénale internationale (CPI) pour des crimes lors du conflit sanglant au Darfour (ouest) à partir de 2003.
Dans un communiqué publié jeudi matin, Amnesty a salué la possibilité offerte aux Soudanais de "célébrer le fait que leur action collective a mis fin à une répression étouffante et donné l'espoir d'un avenir meilleur".
Toutefois, l'ONG a rappelé que le gouvernement de transition devait "honorer son engagement de restaurer l'Etat de droit". Il a aussi réitéré la nécessité d'extrader M. Béchir vers la Haye, où siège la CPI.
Dans un rapport sur les crimes au Darfour publié mercredi, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) a appelé la communauté internationale à faire pression sur le Soudan "pour faciliter l'accès à la justice (...) pour toutes les victimes, y compris celles de violences sexuelles".
Parallèlement, le pays fait face à d'importants défis économiques.
Un an après le début de la contestation, il subit encore les effets de l'embargo économique américain (1997-2017): Washington le maintient sur sa liste noire des "Etats soutenant le terrorisme", ce qui de facto l'exclut du système financier international et barre la route aux investissements étrangers.
Avec AFP